• Glacial, tempéré, tropical… les roches des côtes de l’Ecosse nous raconte l’histoire fantastique des climats du passé !
Karine Plée-Tranchet et Mélanie Gretz, Animuse
Maria Ovtcharova et Rossana Martini, département des Sciences de la Terre UNIGE
Mai 2020
En longeant la côte ouest de l’île de la Grande-Bretagne du sud au nord, l’équipage de Gaia terminera cette étape par les magnifiques côtes de l’Ecosse.
La météo dans cette région est connue pour être extrême… mais pas autant que les climats du passé que nous révèlent ses roches ! Partons en voyage dans le temps et remontons jusqu’au Précambrien, il y a plus de 635 millions d’années.
LES ROCHES – TEMOIN DU PASSE
Chaque roche a sa propre histoire à raconter et recèle des informations de l’environnement et de la période durant laquelle elle s’est formée. Les géologues, à la manière de détectives, collectent, observent et interprètent ces indices. Ils peuvent ainsi ouvrir une fenêtre sur le passé et retracer l’évolution des différents climats que notre planète a traversés.
LA GEOLOGIE DE L’ECOSSE
Les roches de l’Ecosse racontent une captivante histoire qui commence il y a plus de 3 milliards d’années. Suite aux mouvements des plaques tectoniques couvrant la surface de notre planète, l’Ecosse s’est déplacée d’un côté à l’autre de la Terre et a connu de nombreux climats.
Le patrimoine géologique de l’Ecosse est riche. Il montre une immense diversité d’environnements, passant par désert, marais tropical, paysage volcanique ou encore plancher océanique. Deplus, l’abondance de fossiles nous révèle des perles de l’évolution de la Vie, entre bactéries, algues, coraux ou même dinosaures !!
Commençons ainsi notre voyage par une période très ancienne pendant laquelle il a parfois fait extrêmement froid…
“SNOWBALL EARTH” ou “LA TERRE BOULE DE NEIGE” AVEC LES ÎLES D’ISLAY ET LES GARVELLACHS
La Terre aurait gelé d’un pôle à l’autre il y a plus de 650 millions d’année, ce qui représente l’une des quatre plus grandes glaciations de tous les temps ! Mais comment le sait-on ? Les roches des îles d’Islay et des Garvellachs ont capturé une partie de son histoire…
Bien avant que l’idée d’une glaciation globale ait été établie, une série de découvertes a permis d’accumuler des preuves de cette très ancienne glaciation. La première fut publiée en 1871 par J. Thomson : il avait trouvé une roche caractéristique, appelée tillite, déposée par les glaciers sur l’île d’Islay.
Les roches d’Islay ont enregistré certains des changements climatiques les plus extrêmes de l’histoire de la Terre, dont les principales fluctuations se sont produites il y a environ 650 millions d’années lorsque les glaciers ont atteint les tropiques (A visionner : résultat d’une simulation par la NASA – https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_boule_de_neige).
Figure 1 : Sur cette carte actuelle, les tropiques sont matérialisés par des lignes bleu foncé. L’équateur apparaît en bleu clair. © ErnstA, Wikipedia, CC by-sa 3.0
(Source : https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/terre-tropique-16871/)
Les dépôts glaciaires indiquant une ère glaciaire globale – ou «Snowball Earth» – sont pris en sandwich entre des roches déposées dans des climats beaucoup plus chauds. Ces dernières contiennent des oolites – roches carbonatées composées de grains concentriques formés en eau peu profonde ainsi que des stromatolithes – des structures laminaires résultant de l’association de cyanobactéries et de calcaire. Ces roches renferment de minuscules fossiles d’organismes, qui auraient prospéré dans un climat tempéré à chaud. Des données paléomagnétiques suggèrent que ces roches seraient la preuve qu’Islay était sous les tropiques quand elles se sont déposées, à environ 10° de latitude de l’Equateur.
Fossile de stromatolithe
Figure 2 : Fossile de stromatolithe de la formation calcaire de Lossit (modifié d’après Kristopher Michael Dekan)
Au-dessus de ces roches, d’épais dépôts de diamictites d’origine glaciaire ont été retrouvé. Les scientifiques pensent qu’ils se sont formés pendant une époque très froide où les glaciers, incrustés de morceaux de roches continentales, se sont déversés dans les océans, avant de fondre progressivement et de disperser leur cargaison de débris glaciaires dans la boue sous-jacente des fonds marins.
@ Arnaud et Fairchild
Figure 3 : Diamictite avec débris de roches continentales, Port Askaig, île d’Islay.
(Source : https://atrium.lib.uoguelph.ca/xmlui/handle/10214/9438)
@ Emmanuelle Arnaud
Figure 4 : Diamictite avec débris de roches continentales, Port Askaig, île d’Islay.
(Source : https://atrium.lib.uoguelph.ca/xmlui/handle/10214/9438)
Les dépôts de diamictites d’origine glaciaire, qui se trouvent sur les roches carbonatées formées pendant un climat tempéré à chaud ainsi que les données paléomagnétiques sont les preuves que les glaciers ont atteint les tropiques.
Poursuivons notre aventure plus au nord avec l’île de Skye, qui connaissait un climat tropicale à l’époque du Jurassique…
L’HISTOIRE EXOTIQUE DE L’ÎLE DE SKYE
Cette île fait partie des îles Hébrides et regorge de fossiles, entre autres de la période du Jurassique, il y a plus de 145 millions d’années. Ces fossiles comprennent les restes d’animaux qui peuplaient une mer tropicale et peu profonde : ammonites, bélemnites, brachiopodes, bivalves, reptiles marins (ichtyosaures et plésiosaures), des poissons ainsi que… de magnifiques fossiles de coraux !
Figure 5 : Fossiles de la période du Jurassique – îles de Skye – Centre : ammonite – Dans le sens des aiguilles d’une montre depuis en haut à gauche : gastéropode, huitre, bélemnite, coquille
( Source : SKYE – A landscape fashioned by geology (2006) – British Geological Survey)
@ Gretz et al., 2013
Figure 6 a : Succession de couches géologiques contenant des fossiles de coraux. Figures 6 b et c : surfaces révélant la morphologie caractéristique de squelettes de coraux fossilisés.
Une étude de ces fossiles de coraux a permis de comprendre les conditions environnementales au lendemain de la crise survenue à la limite Trias-Jurassique (il y a environ 200 millions d’années). Il s’agit d’une des 5 plus grandes extinctions de masse que la Terre ait connu, avec la disparition d’environ 80% des espèces vivant à cette époque. Les analyses géochimiques effectuées sur des coquilles d’huitres fossilisées qui étaient associées à ces coraux, il a été possible de dire que la température moyenne de l’eau dans laquelle vivaient ces organismes, était aux alentours de 22°C.
L’île de Skye, en plus des fossiles d’organismes marins, est aussi charactérisée par des traces d’écosystèmes terrestres, comprenant des plantes, insectes, premiers mammifères et… même des dinosaures !
Figure 7 : Représentation de dinosaures sur l’île de Skye
(Source : https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/paleontologie/d_142416)
@Jon Hoad
Les dinosaures ont parcouru ce territoire il y a environ 170 millions d’années. En effet, des empreintes de ces reptiles ont été retrouvées en grande quantité ce qui signifie qu’une communauté importante de dinosaures occupait l’île de Skye. Récemment, des sites jusqu’alors inexplorés, ont révélé de nouvelles traces, parmi lesquelles celles d’un Stégosaure, un dinosaure dont le dos est recouvert de plaques osseuses. Le nombre de pistes important révèle une diversité étonnante de dinosaures qui vivaient dans la région, comme par exemple des Théropodes carnivores (cousins du T-Rex), des Sauropodes au long cou (pesant 10-15 tonnes et mesurant jusqu’à 20 mètres de long) ainsi que des mangeurs de plantes à bec plat. Cette diversité montre que le climat qui y régnait était très favorable à leur développement.
Terminons notre aventure écossaise par des temps plus récents, où s’entremêlent géologie et histoire humaine…
LE CŒUR DU NEOLITIQUE DES ORCADES
Les Orcades sont un archipel au nord de l’Ecosse composé de 67 îles. Elles ont conservé les sites néolithiques (environ -6’500 à -3’900 avant JC) les plus anciens et les mieux préservés d’Europe. Le plus connu étant le site du “Cœur du Néolithique des Orcades”, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Figure 8 : Pierres dressées de Stenness
(Source : https://www.scottishgeology.com/best-places/)
@ John Gordon
Il comprend entre autres merveilles, un village vieux de 5’000 ans, une tombe monumentale, de même que des cercles de pierres aussi impressionnants qu’énigmatiques. Pensez à l’organisation sociale et à l’ingéniosité nécessaires pour extraire, transporter et ériger ces énormes pierres dressées !
Comment se fait-il que ces trésors archéologiques se retrouvent sur un petit groupe d’îles tout au nord de l’Ecosse ? Il est possible qu’un des facteurs majeurs soit la géologie de la région. En effet, dans les Orcades on trouve un grès de construction de qualité qui a la particularité de se fendre naturellement en formant des parallélogrammes grossiers. Cette forme aurait inspiré anciennes peuplades de ces îles à utiliser ces parallélogrammes pour construire ces structures.
Ces grès se sont formés il y a environ 400 millions d’années lorsque les Orcades faisaient partie d’un super continent désertique situé près du paléo Equateur.
UNE HISTOIRE GEOLOGIQUE EN DEVENIR
L’histoire géologique des Orcades, de même que celle des côtes écossaises se poursuit aujourd’hui encore. Le réchauffement climatique a un impact important sur cette région en accentuant l’érosion côtière alors que les terres sont peu à peu submergées en raison de l’élévation du niveau de la mer.
Deux artistes finlandais ont réalisé une installation artistique éphémère dans le village de Lochmaddy sur l’île de North Uist au nord ouest de l’Ecosse, afin de sensibiliser la population au niveau que pourrait atteindre la mer si rien n’est fait pour enrayer le réchauffement climatique. L’Ecosse n’a pas terminé de nous raconter de fascinantes histoires…
Figure 9 : Village de Lochmaddy sur l’île de North Uist au nord ouest de l’Ecosse – La ligne lumineuse représente le niveau que pourrait atteindre la mer si rien n’est fait pour enrayer le réchauffement climatique.
(Source : http://www.timoaho.org/works/lines-57-59n-7-16w/)
@Timo Aho
RÉFÉRENCES :
ECOSSE
SNOWBALL EARTH
ÎLE D’ISLAY ET LES GARVELLACHS
ÎLE DE SKYE
- De nouvelles empreintes de dinosaurs découvertes sur l’île de Skye, en Ecosse – Joël Ignasse (2020) – https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/paleontologie/d_142416
- The Hettangian corals of the Isle of Skye (Scotland): An opportunity to better understand the paleoenvironmental conditions duriong the aftermath of the Triassic-Jurassice boundary crisis – Gretz M. et al – Paleogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 376 (2013) 132-148
- La limite Oxforien-Kimméridgien (Jurassique supérieur) : stratigraphie et paléoenvironnement dans les domains téthysien (Est et Sud du basin de Paris, France) et boréal (Île de Skye, Ecosse) (2011) – Lefort A. – PhD – HAL archives-ouvertes.fr
- http://earthwise.bgs.ac.uk/index.php/Pre-Palaeogene_rocks_of_the_Isle_of_Skye
- SKYE – A landscape fashined by geology (2006) – British Geological Survey
LES ORCADES
LE NEOLITHIQUE
RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE