Le sextant

Le sextant

Maxime Spano, observatoire astronomique de la Vallée de Joux

Mai 2020

 

A quoi ça sert ?

Inventé au début du XVIIIème siècle, le sextant est avant tout un instrument qui va permettre de mesurer des angles. Successeur des anciens instruments de mesure utilisés à l’œil nu, comme le quadrant, le sextant va s’avérer plus précis grâce à l’ajout d’une lunette de visée (instrument développé un siècle plus tôt). Bien souvent il servira à mesurer l’angle entre le Soleil et l’horizon, autrement dit la hauteur du Soleil. Cet angle en un lieu donné dépend de l’heure locale et de la position de l’observateur. En faisant des observations avec un sextant, les navigateurs peuvent donc obtenir à la fois l’heure et se repérer sur la Terre. Les moyens modernes comme les GPS permettent d’obtenir des valeurs très précises très rapidement, mais un sextant avec un almanach nautique papier ne tomberont jamais en panne et sont donc indispensables à bord d’un bateau.

 

Que trouve-t-on sur un sextant ?

 

D’apparence complexe le sextant se compose de deux grandes familles d’outils :

Optique 

– Lunette : un des principaux éléments est la lunette dans laquelle l’observateur va chercher le Soleil ou des points de repère sur les côtes. Elle grossit généralement moins de 4x et possède une lentille de 40mm de diamètre. Cela permet d’augmenter la précision de pointage tout en limitant
les effets du mouvement du corps (le sextant s’utilisant à main levé).

– Miroirs : un sextant contient deux miroirs, dit d’index (ou grand miroir) et d’horizon (ou petit miroir). Le miroir d’index est classique, sa fonction étant
simplement de renvoyer l’image de l’objet que l’on vise. Le miroir d’horizon en revanche est particulier car il doit montrer à la fois l’objet visé et l’horizon. Il en existe deux types : le premier à moitié réfléchissant et à moitié transparent et l’autre à la fois réfléchissant et transparent à l’image de ce qui se fait pour les miroirs « sans tain ».

– Filtres : le sextant étant notamment utilisé pour observer le Soleil il est indispensable d’utiliser des filtres pour ne pas s’abimer la vue.

Mécanique :

– Bâti : c’est là où se trouve le limbe gradué en degrés qui servira à mesurer les angles entre les différents points observés. Le sextant tire son nom de la forme du bâti qui représente un angle de 60°. Le limbe étant généralement gradué de 0 à 120° car chaque degré parcouru sur le bâti équivaut à 2° dans le ciel (car il y a deux réflexions, une pour chaque miroir du sextant). La lunette, le petit miroir et les filtres y sont fixés.

– Alidade : c’est la partie mobile du sextant. Elle comprend un vernier et une loupe pour lire la valeur de l’angle indiquée par le limbe. Nous y trouverons également un système de blocage (utile pour fixer l’alidade en position) et une vis micrométrique pratique pour affiner la position lue sur le limbe.
C’est sur l’alidade que le grand miroir est fixé.

 

Comment ça marche ?

L’utilisation principale consiste à mesurer la hauteur d’un objet sur l’horizon.

Pour le Soleil par exemple il faut :

vueSextant1

  • Pointer le sextant sur l’horizon de façon à ce que le grand et le petit
    miroir montrent la même image. Cela permet d’avoir une
    référence parfaitement horizontale.

vueSextant2

  • Bouger l’alidade pour que l’image du Soleil soit renvoyée par
    le grand miroir vers la lunette à travers les filtres.
  • vueSextant3 Amener l’image du Soleil sur l’horizon, soit à travers le miroir
    sans tain, soit en le faisant coïncider avec la moitié transparente
    du petit miroir. Il faut que la base du Soleil touche l’horizon,
    un mouvement de balancier du sextant aide à trouver le moment
    où le Soleil est rasant. Nous avons ainsi bougé l’alidade de
    l’équivalent de la hauteur du Soleil sur l’horizon.
  • Bloquer l’alidade et lire la valeur de l’angle sur le limbe.

Quelle utilité ?

Trouver sa latitude :

  • De jour

Premièrement il faut mesurer la hauteur du Soleil sur l’horizon grâce au sextant (noté h sur le schéma ci-dessous).

La valeur de la latitude est alors simplement : L= 90° (angle entre l’horizon et la verticale) – h+ δ

δ est une coordonnée astronomique que l’on appelle la déclinaison.
C’est l’équivalent de la hauteur du soleil sur l’équateur céleste.
Cette valeur se trouve dans des éphémérides. L’avantage d’utiliser une coordonnée astronomique sera qu’elle est la même pour tout point de la Terre pour une date et une heure donnée. Il y a quelques centaines d’années les éphémérides étaient imprimées et pour chaque jour la déclinaison n’était donnée que pour quelques heures de la journée ce qui pouvait entrainer une imprécision sur la latitude. De nos jours les moyens modernes permettent de connaitre la déclinaison du Soleil à tout instant.TerreSextant

 

  • De nuit

La mesure est beaucoup plus directe si l’on se trouve dans l’hémisphère Nord. Il suffit de trouver l’étoile polaire et de mesurer sa hauteur sur l’horizon. L’étoile polaire se trouve toujours à la même hauteur en un lieu défini quelle que soit l’heure. Cette hauteur est égale à la latitude du lieu d’observation (0° à l’équateur, 90° au pôle Nord, ou 46° en Suisse par exemple).

L’angle sur l’horizon de la polaire mesuré avec le sextant donne donc directement la latitude du lieu où vous l’observez.

Pour l’hémisphère Sud ou pour d’autres étoiles, il faudra pouvoir obtenir la déclinaison pour l’objet en question pour la date et l’heure d’observation, tout comme pour le Soleil.

Connaitre sa longitude

Pour cela nous avons de calculer ce que l’on appelle l’angle au pôle (P), également appelé angle horaire en astronomie (AH). L’angle horaire étant défini par la différence entre l’ascension droite (la seconde coordonnée astronomique pour repérer un objet dans le ciel) et l’heure sidérale (qui est l’ascension droite des objets passant au méridien). Comme le ciel tourne d’Est en Ouest, P=AH si l’objet est observé vers l’Ouest et P=360°- AH si l’objet est observé vers l’Est.

L’angle au pôle peut être simplement trouvé par un calcul appelé Formule de Borda :

Sin²P/2=sin(S-H) cos S/sin δ cos L   avec S=(90-+L+H)/2
est la déclinaison de l’astre
L est la latitude de l’observateur
H est la hauteur de l’astre

On calcule donc P et on trouve l’angle horaire AHl de l’astre à la longitude l. Ces mesures étant dépendante de l’heure à laquelle elles sont faites on pourra choisir le midi local par exemple dans le cas du Soleil pour mesurer la hauteur, calculer la latitude et retrouver la déclinaison.
Il faut ensuite une table de valeur indiquant quel est l’angle horaire AHG pour la même heure et le même astre pour un observateur placé sur le méridien de Greenwich et on en déduit la longitude par l= AHG – AHl

Obtenir l’heure locale

Une fois connus la latitude et la longitude, une méthode simple permet de retrouver l’heure locale par l’observation d’astres à certains moments précis. Par exemple le moment où la Lune se trouvera à une certaine distance du Soleil (dSL) pour un jour donné. En utilisant, dans des tables, l’heure à laquelle le Soleil est à la distance dSL de la Lune à Greenwich corrigée de notre longitude nous pouvons trouver l’heure locale par la formule :

Heure locale= heure de Greenwich +4*l (l étant positif à l’Est de Greenwich et négatif à l’Ouest)

Par exemple : le Soleil est annoncé à 25° de la Lune le 12 février à 12h14m 15s pour Greenwich. Nous sommes à une longitude de 30° Ouest. Lorsque nous verrons le Soleil et la Lune séparés de 25° dans le ciel, il sera 12h14m15s – (4*30=120m=2h) ce qui donne 10h14m15s.

Nb : toutes ces heures sont données en temps universel (TU). Pour retrouver le temps civil local il faudra corriger du nombre d’heures lié à votre fuseau horaire et de la saison (pour la Suisse +1h en hiver et +2h en été).

Cette méthode, appelée des distances lunaires, est très pratique car la Lune se déplace rapidement dans le ciel (l’équivalent de son diamètre chaque heure) et est donc amenée à croiser des planètes, étoiles brillantes et Soleil régulièrement au cours des jours. Elle peut également être utilisée de jour comme de nuit suivant les phases de la Lune.

Ressources:

Deux bricolages pour s’initier à la manipulation d’un sextant :

Un modèle simple et rapide : https://www.museedelaguerre.ca/cwm/exhibitions/navy/pdf/5-b-4_fabricationsextant-f.pdf

Le CD-sextant, qui nécessite plus de matériel et de manipulations : http://pacifik.andromeda.fr/~thalassa/sextant.html

Les éphémérides nautiques en anglais (comportent les tables pour le Soleil, la Lune, les planètes et étoiles les plus brillantes du ciel) : https://www.thenauticalalmanac.com/

5 réflexions sur « Le sextant »

  1. Bonjour,

    Je cherche à acheter un sextant en laiton oui en bronze d’occasion.
    Où trouver un modèle.
    Amazon en propose à bas prix!

    Merci
    Raymond Joly

  2. Bonjour,

    OU puis-je acheter un sextant en laiton ou autre
    d’occasion?

    Amazon en propose pour des prix dérisoires!
    Mais sont-ils bons pour naviguer.
    Raymond Joly

    1. Je ne suis pas vraiment en mesure de vous conseiller, mais un sextant est un instrument de précision, il est donc important de bien savoir ce que vous achetez. Un achat en ligne semble donc probablement peu fiable.

  3. Bonjour,
    J’ai passé mes permis mer (A, B, C…) en 1973. A l’époque, l’utilisation du sextant et des éphémérides étaient enseignés. Aujourd’hui, quand je navigue avec d’autres, on se moque de moi avec mes cartes, mon crayon et ma gomme… et autre sextant. Ils sont « rivés » derrière un écran et ne regardent même plus la mer ! … Merde ! une panne, il faut réparer et tout redémarrer ! Papi, où est-ce qu’on est ? Là, je me marre.

    1. Gaia est équipé d’un sextant et autant que possible de cartes papier. La règle Cras et le compas de relèvement ne sont pas loin non plus.

      Bonne navigations

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