Les marées, seconde partie

Les marées, seconde partie

pour ceux qui ont envie de jouer un peu plus avec le phénomène des marées, ceux que les relations entre les marées et les baignoires, la distance de la lune ou la physique fondamentale intriguent.

La marée n’a pas la même amplitude dans toutes les régions du globe. Elle est importante en Bretagne par exemple, faible dans la Méditerranée et inexistante sur le Léman. Or les forces de la gravitation  sont les mêmes partout et ne dépendent  pas de la configuration de nos étendues d’eau!

Pour comprendre ces différences, remplissez votre baignoire d’eau. Si vous agitez alors votre main rapidement dans l’eau vous créerez quelques vagues sans grandes conséquences. Si  vous déplacez votre main très très lentement, il ne se passera rien non plus. Mais si vous balancez votre main avec une fréquence intermédiaire, vous constaterez qu’en ajustant cette fréquence vous arriverez avec de légers mouvements à mettre en mouvement toute l’eau contenue dans la baignoire.  Vous la ferez déborder si vous n’y prenez garde !

Les mers et les océans sont de grands bassins, de grandes baignoires en quelque sorte. Les marées amènent l’eau pendant 6h environ et la laissent refluer pendant les 6h suivantes et ainsi de suite. Si le bassin est configuré de manière à ce que cette période corresponde à la fréquence à laquelle l’eau répond, les marées seront importantes, si au contraire le bassin est plus petit  le va et vient de la marée est trop lent pour causer des réponses importantes,  l’amplitude des marées restera faible, comme en Méditerranée, ou indétectable comme sur le Léman.

Mais même indétectable avec des moyens usuels, les forces de marées restent une réalité. Les grands instruments de physique de haute précision, tels le LHC au CERN à Genève ou les détecteurs d’ondes gravitationnelles doivent tenir compte des déformations de la croûte terrestre induites par les forces de marées pour ajuster les trajectoires de particules ou de rayons laser.

La marée n’a pas la même amplitude tous les jours. A fil du mois lunaire, elle passe par deux minima et deux maxima, au gré de l’alignement du soleil, de la terre et de la lune. Ceux qui apprécient l’algèbre pourront se convaincre quantitativement que si la lune domine bien les effets des marées, le soleil joue tout de même un second rôle important  (les autres pourront sauter la fin de ce paragraphe):

La marée est due à la différence de l’attraction gravitationnelle entre les deux extrémité d’un corps de masse Dm  et de taille Dr. A une distance r d’un corps de masse M la force de marée peut s’écrire

Pour comparer les effets  de marée dus au soleil ou à la lune, Il faut considérer

Avec Msoleil = 2.0 1030kg, Mlune = 7.3 1022kg, rsoleil = 150 106 km et

L’effet du soleil sur les marées est de la moitié de celui de la lune. La lune domine bien le ballet, mais l’influence du soleil est loin d’être négligeable.

Les Marées et la distance de la lune. Les marées induisent des courants marins. Ces mouvements causent des frottements entre la croûte solide de la terre et le liquide des océans. Comme tous les frottements, ceux-ci dissipent une partie de l’énergie des fluides. Or l’énergie est une grandeur conservée, donc les frottements dus aux marées doivent puiser l’énergie que les courants dissipent quelque part. Cette énergie provient de la rotation de la terre. Une conséquence des marées est donc un ralentissement de la rotation terrestre. La durée de la journée augmente petit à petit.

L’énergie n’est pas la seule grandeur conservée de la physique. La quantité de mouvement de rotation -le moment cinétique- est aussi conservée. Donc si la rotation de la terre ralentit, ce ralentissement doit conduire à ce qu’un autre système augmente sa quantité de mouvement de rotation. C’est le couple terre-lune qui joue ce rôle, le moment cinétique de la lune augmente, l’orbite de la lune autour de la Terre est modifiée : Le ralentissement de la terre conduit à ce que la lune s’éloigne de la terre. L’effet est petit : les marées conduisent à ce que la lune s’éloigne  de nous de quelques 3.8cm par année. Une toute petite variation qui n’en est pas moins mesurée depuis que les astronautes les missions Apollo ont déposé des réflecteurs de rayons laser sur la surface de la lune.

Dépose d’un réflecteur sur la surface de la lune

Les marées et la physique fondamentale.

La gravitation a cette particularité que vous pouvez toujours trouver un système local dans lequel elle disparaît. Imaginez que vous entrez dans un ascenseur sans fenêtres, prenez quelques balles avec vous. Fermez la porte puis coupez les câbles qui retiennent la cage de l’ascenseur. Si vous lancez les balles à ce moment vous constaterez qu’elles partent en ligne droite. C’est la démonstration qu’aucune force ne s’exerce sur elles. Vous avez éliminé la gravitation.  Par contre, si vous emmeniez aussi des instruments de précision, vous pourriez constater que votre ascenseur s’allonge. Le fonds, plus proche du centre de la terre que le plafond s’en rapproche plus rapidement. La différence de gravitation entre le haut et le bas ne peut être éliminée. Cette différence est la force de marée. C’est dans le sens de cet argument, la seule force que la gravitation exerce à l’intérieur de votre ascenseur.

L’ascenseur dans le lequel vous vous êtes enfermé juste avant de couper le câble.

Le même exercice ne peut être fait avec les autres forces de la nature. Vous ne pourrez, par exemple, pas trouver de système, ascenseur, voiture, carrousel ou autre dans lequel aucune force électromagnétique  s’exercerait sur une collection de charges électriques que vous auriez prises avec vous. Il y en aurait toujours dont la trajectoire  une fois lancée serait courbe.

Le fait que la gravitation  puisse être éliminée par un simple changement de système de référence, mais non la marée, alors que les autres forces ne disparaissent jamais est  une différence si fondamentale, qu’elle est au cœur de la difficulté de trouver une description quantique de la gravitation. Il y a des décennies que nous avons une théorie quantique de l’électrodynamique. Cette théorie est testée avec la plus grande précision et elle donne entière satisfaction dans la compréhension des phénomènes électriques et magnétiques sur les plus petites échelles. Une description de même type nous échappe cependant depuis bientôt un siècle pour la gravitation, bien qu’à première vue, mais justement à première vue seulement, les descriptions de l’électricité et de la gravitation se ressemblent.

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