Gaia en Ecosse

Gaia en Ecosse

Il pleut sur Oban. Comme souvent.

Les dix jours que nous devions passer à Craobh Haven avant de nous mouvoir librement en Ecosse nous ont permis de nettoyer Gaia, reviser le gréement, faire faire un service moteur, nous procurer de longues amarres, mettre l’électronique en service, faire rehausser le feu arrière qui était masqué par l’annexe, remplacer un taquet et vérifier que les écrous de la barre soient proprement serrés, préparer écoutes, lignes de vies et autres bouts indispensables à la navigation. Les journées furent bien remplies.

Ce nonobstant, la quarantaine fut longue. Nous faisions tous les soirs quelques pas sur les pontons de la marina en échangeant parfois quelques mots avec des équipages sur leur bateau. Si notre vie sociale fut fort limitée pendant cette période, elle s’est bien terminée. La présidente de la Royal Society of Edinburgh jusqu’à tout récemment, Anne Glover, dont j’ai fait la connaissance lorsqu’elle était conseillère scientifique du président de la Commission Européenne, navigue. Jusqu’à peu son mari et elle naviguait sur un bateau à voile; ils ont maintenant un bateau à moteur qu’ils viennent d’acheter et ont installé à Craobh Haven après nous y avoir rendu visite en septembre 2020. Ceci nous a valu une soirée vivante dont avions fort besoin, même si la vie sociale restreinte depuis notre arrivée en Ecosse ne nous a pas si mal convenu. Le “commodore” -titre du président- du Ocean Cruising Club, était aussi à Craobh Haven avec son épouse pendant cette période. Nous les avons vus et avons organisé un dîner à Oban, après notre première étape, en compagnie de Bob Shepton, un navigateur chevronné habitué du Groenland où il s’est rendu de nombreuses fois sur un relativement petit bateau qui servait de camp de base à des ascensions plus périlleuses les unes que les autres. Une autre soirée pleine de vie.

Sally, Simon et Bob

Une des conversations que nous avons eues sur le quai fut à propos du Brexit. L’homme, un ex financier dans une grosse industrie sur un beau bateau, nous a vanté les vertus du Brexit avec une véhémence certaine, fier de souligner être dans la majorité, remplaçant allègrement l’Union Européenne par le Commonwealth pour les relations commerciales et extérieures du Royaume Uni, imperméable à ma remarque qu’après avoir exploité et dominé pendant des décennies des peuples de par le monde, ces derniers ne seraient peut-être pas enchantés de sortir les Britanniques du marasme dans lequel ils se sont mis. Il était bien conscient que la règlementation du Royaume Uni devrait rester compatible avec celle de l’Europe, mais clamait nonobstant que les Britanniques avait retrouvé leur souveraineté, sans mieux savoir ce que cette notion recouvre que beaucoup chez nous.

La navigation de Craobh Haven à Oban fut superbe et ensoleillée. Ce fut la dernière fois ou presque que nous avons vu le soleil pendant notre séjour écossais. Nous avons passé une journée à Oban pour les derniers achats, résolu mon problème de pyjama, avant de reprendre la route dans un brouillard épais pour Tobermory. Montée grise, sans visibilité, au radar, mais calme, entre l’île de Mull et la Grande Bretagne. C’était le moment de retrouver la corne de brume du bord. Nous avons laissé passé une dépression à Tobermory, 24h, et fait une longue balade dans la forêt qui borde la mer. On comprend bien que ces paysages sombres et humides, verts et froids font naître quantité de légendes. Plutôt des légendes qui terrorisent les enfants que de celles peuplées de douces nymphes qui charment les hommes. Nous avons ensuite poursuivi vers l’île de Rum que nous connaissons de l’année dernière. Une navigation superbe, encore sous un ciel chargé. Gaia marche très bien. Le mouillage de Rum a été équipé de coffres pour s’amarrer, nous en avons utilisé un pour la nuit.

Vers Oban

Forêt, à Tobermory

Nous sommes partis tôt -relativement, 8h- de Rum pour une cinquantaine de Milles vers Dunvegan, au nord ouest de l’île de Skye. Cette navigation nous a fait passé Neist point, un cap redoutable et redouté. Moins connu que d’autres en Europe, probablement car peu de voiliers passent par ici. Les courants de marée sont étonnamment forts, même en pleine mer dans cette région. Ils étaient contre nous en passant le cap. Nous avons donc eu largement le temps d’admirer le phare qui domine la pointe.

Vers Rum

Le temps d’arriver au fond du fjord de Dunvgan, les grains se sont succédés amenant jusqu’à plus de trente noeuds de vent et de la pluie dans le mouillage où nous étions seuls. Gaia dansait sur son coffre, modérément agréable, mais le coffre a tenu. Il fait froid, mais le chauffage du bord nous aide bien. Dimanche, profitant d’un moment un peu plus calme, nous avons mis notre annexe à l’eau, l’avons équipée de son moteur électrique, avons revêtus nos cirés et nos gilets de sauvetage pour aller à terre et visiter le château de Dunvegan. Un couple en ciré et avec gilet de sauvetage fut du plus bel effet dans le château. Les rhododendrons en fleurs ont souvent illuminé nos marches.

Une dorsale, un interval de pression un peu plus haute entre deux dépressions, se dessinait pour la soirée et la nuit du 13 au 14 juin avant une méchante dégradation à partir du 14 vers midi. Après discussion avec Pierre Eckert nous avons décidé de profiter de ce répit pour parcourir les 50M qui nous séparaient de Stornoway, tout au nord des Hébrides extérieures. Bien nous en a pris. Nous sommes partis à 19h30, la traversée fut belle, un timide soleil s’est montré le soir, Le vent était établi vers 15kt puis faiblissant, Gaia a taillé sa route avec bonheur. Sous nos latitudes, en juin, le ciel ne devient jamais vraiment noir, sauf sous les nuages, mais c’est alors vrai de jour aussi. La navigation de nuit en est facilitée et nous en avons eu du plaisir, un plaisir froid, s’entend. La route passe entre les Hébrides et les îles Shiant à propos desquels Philippe Delacrétaz à écrit un article pour Science et voile avec Gaia: https://sy-gaia.ch/les-rats-quittent-le-navire/.

Nous sommes arrivés à 6h30, quelques heures avant la dégradation du temps et la pluie. Une tête est sortie d’un bateau voisin pendant que nous amarrions Gaia: “Hello Thierry and Barbara”. Un couple que nous avions rencontré l’été dernier, mais je concède volontiers ne pas avoir très bien vu de qui il s’agissait sur le moment, nous avons refait connaissance autour d’un verre dans le cockpit de Gaia. Nous avons rapidement loué une voiture, espérant pouvoir nous rendre sur le site de “pierres levées” de Callanish. Raté, nous y sommes arrivés par grand vent et pluie battante. Ces sites restent superbes tout auréolés de mystère (https://sy-gaia.ch/le-megalithisme-en-bretagne/ pour ceux de Bretagne).

Callanish, standing stones

La série de dépressions que nous avions subies semblait s’essouffler. Il semblait donc que nous puissions envisager de traverser vers les îles Faroë. Quelques évaluations de la situation météo avec Pierre Eckert plus loin, nous avons décidé de partir le 17 juin au matin pour les 250M de cette traversée dans les eaux peu clémentes de l’Atlantique nord. Départ donc le matin du 17, mais c’est l’histoire suivante.

Gaia à Stornoway

21 réflexions sur « Gaia en Ecosse »

  1. Thierry, tu te perfectionnes vraiment rapidement dans tes derniers récits, cela devient super intéressant et plein de suspens!!! Le tournage du film sera pour quand??!!!! merci de tous ces récits, vous êtes bien courageux, profitez bien de cette qualité, tout le monde ne l’a pas!!! tendres pensées et plein de rayons de beau soleil

  2. Merci les Amis de nous faire connaître si agréablement des régions où nous n’avons plus l’âge d’aller. On ne s’ennuie jamais lorsque l’on a des souvenirs de voyages dans la tête.
    Je me réjouis déjà de la suite, bons vents!

    1. Merci de nous faire partager vos aventures qui rafraichissent nos journées à 30°. C’est vraiment passionnant, plein de suspense et tellement bien décrit que nous avons vraiment l’impression d’être avec vous le long des côtes de l’Écosse.
      Merci de nous faire voyager.
      Amicalement

  3. C’est tellement bien écrit qu’on n’a pas besoin d’aller voir! On attend la suite. Bon vent chers cousins.

  4. Merci cher Thierry pour ces récits vivants qui nous permettent de vous accompagner un peu dans votre périple palpitant. Certains noms évoquent des légendes et vos images de forêts et de ruines les illustrent bien. De légende, aventuriers que vous êtes, vous tramez la vôtre pour notre plaisir en alimentant notre imaginaire et notre affection pour vous. Amitié à vous deux. Serge et Marlyse

  5. Heureux sous la pluie . Mon Dieu que ces brumes font rêver . Nostalgie des rafales …whisky, rencontres , clé à molettes . Rien ne manque sauf la bouffe . Que mangez vous?
    Merci de nourrir notre nostalgie
    Bises

  6. Comme c’est joliment décrit. ça donne envie de visiter l’Ecosse (à fond?)
    Bien aimé la remarque à l’Anglais sur se refaire une santé économique sur le Commonwealth! Faut être suisse pour voir ça. Pourtant c’est bien vrai!
    Moi j’ai pensé dernièrement puisqu’il y a eu le Brexit, il y aura le Swissin! Qui sait si on va bientôt voter pour l’entrée de la Suisse dans l’EU tout en conservant toute la neutralité désirée!
    Les Anglais en tant qu’insulaires ça me semble bien normal qu’ils préfèrent le monde et ses possibilités infinies en tout plutôt que l’étroitesse d’un continent! De plus chez eux c’est historique!
    Meilleurs voeux à Gaïa et au plaisir de lire vos aventures nordiques!

  7. Great to see that everything is working out well and it was good to hear that my friend, Anne G now has moved onto a motorised form of sailing!!! Keep up the excellent log and the very best for the weather – and ps naturally being a sensible person I voted Remain:)

    cheers
    Ian

  8. Bonjour les Amis,
    J’apprécie beaucoup les récits du voyage et les belles images de la nature que vous rencontrez dans les divers endroits. Bonne traversée pour naviguer vers les îles Féroé.
    Nous buvons un verre de rosé à votre santé dans le sud de la France.

    Jean-Louis et Christiane

  9. Hello les Amis,
    Superbes photos, magnifique expérience.
    Nous avons visité l’Ecosse « sur terre », en voiture, les paysages étaient ensoleillés, pluvieux, colorés… agrémentés de « stop whisky » !
    A tout bientôt, on se réjouit de vos nouvelles.
    Francine et Alain

  10. Chers amis,
    Merci pour ce récit! Nous avons mis du temps à le lire mais le plaisir était immense . C’est toujours un plaisir de voyager avec vous! Après je consulte les photos de la région et je me sens tout près de vous .
    Personnellement j’aimerais bien savoir un peu plus sur tes problèmes de pyjama Thierry, ;-)) Tu portes également un bonnet de nuit au grand nord?
    Bonne suite et nous sommes heureux de vous savoir en forme!
    Amicalement Hélène et Emil

  11. Welcome to Iceland – we followed your hourly progress on the transit and it looked like fair weather and winds. It’s a very long fjord to get to the moorings though!!! Enjoy exploring and looking forward to the next log.

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