Des Canaries au Cap Vert

Des Canaries au Cap Vert

Le 11 novembre fut le dernier soir du colloque Wright de cette année. Un colloque consacré à différents aspects de la planète terre. On y a vu combien complexes et riches sont les interactions entre les différents éléments de la surface de la terre que sont l’atmosphère, les océans, le terrain, le volcanisme et la vie. Ces interactions sont essentielles pour que les conditions soient propices à la vie et à notre épanouissement. Ceci nous rappelle que rien dans la vie, son apparition et son évolution n’est simple, au point que nous ne savons pas vraiment la définir. On a aussi vu que les mesures faites depuis quelques années sur mer, dans l’atmosphère et depuis l’espace ouvrent des chapitres entiers de connaissance et que l’analyse de ces données sera aussi passionnante qu’essentielle pour apprendre à gérer le vaisseau spatial qu’est la Terre avec un minimum de sagesse. Ecrire ces lignes alors que les chambres fédérales viennent d’élire un Albert Rösti ouvertement hostile au savoir et solide support des énergies fossiles est quelque peu décourageant.

Présentation d’un conférencier du colloque Wright

Ce colloque était accompagné d’un spectacle lumineux sur la façade du Musée d’Art et d’Histoire à Genève. Un spectacle qui répondait à notre conviction qu’il ne suffit pas d’offrir des conférences académiques dans les murs de l’Université pour partager le savoir avec la population. Il est nécessaire d’aller là où les gens sont, c’est-à-dire dans la rue, avec une prestation accessible et de grande qualité. Le spectacle de cette année permettait de se laisser prendre par la poésie ou de se prêter au jeu du questionnement sur les éléments fondamentaux, voire même sur le fait même d’exister. Tant le colloque que le spectacle ont beaucoup occupé mon temps pendant notre passage en Suisse.

Une sène du spectacle sur le MAH à Genève

C’est aussi pendant cette période que Gaia – Science et voile est paru aux éditions Slatkine. Ce fut l’occasion de présenter le livre à Lausanne, à l’Espace des inventions, et à Genève, au café Slatkine. Nous sommes heureux d’avoir reçu nombres de messages positifs à propos de cet ouvrage auquel beaucoup ont contribué des articles riches et variés.

Science et voile sur le présentoir d’une librairie

Le 13 novembre nous nous retrouvons à bord de Gaia avec plaisir à Santa Cruz de Tenerife. Raffa, le collègue de l’Institut d’Astrophysique des Canaries qui avait gardé un œil sur Gaia pendant notre absence nous a aidé à sortir un colis de pièces de rechange envoyé de France des griffes des douanes et administrations canariennes, une activité à temps partiel pendant au moins deux semaines. Car les Canaries ont beau être espagnoles et l’Espagne faire partie de l’Union Européenne, elles ont un régime douanier qui leur est propre et dont les arcanes sont profondes. C’est pour finir un collègue de Raffa qui nous a apporté le colis en question alors que nous étions déjà à Santa Cruz de La Palma.

Marc et Rossana sont des artistes, amis d’amis rollois. Ils habitent à Tenerife quand ils ne sont pas au Mexique, la patrie de Rossana, ou dans le Jura. La peinture de Rossana est lumineuse et profondément liée à son histoire personnelle. Marc développe « Artcoll » une manière de faire travailler ensemble plusieurs peintres sur une même oeuvre. Un mouvement qui s’est exposé à plusieurs reprises déjà. Ils sont venus nous rendre visite pour une journée qui s’est révélée aussi passionnante que chaleureuse.

Marc et Rossana devant Gaia

Raffa souhaitait naviguer avec nous jusqu’à La Gomera accompagné par son fils Marco âgé de 17 ans. Le seul problème était la météo. Le vent de nord-est dominant dans la région est puissamment accéléré entre les îles et peut souffler avec la force d’un coup de vent. Prévoyant cet effet, nous avons quelque peu attendu que la situation soit calme pour partir et nous avons fait une première courte étape vers le sud de Tenerife, à Radazul, un tout petit port connu de Raffa où nous nous sommes faufilés entre deux bateaux pour la nuit. Une balade au coucher du soleil nous a menés vers le village voisin de Bocacangregro. Un village de petites maisons colorées qui appartinrent à des pêcheurs et sont maintenant louées par des soixantehuitards vieillissants et un peu bohêmes. Deux femmes seins au vent se tenaient sous un renfoncement rocheux, assises aux côtés d’un vieil homme aux cheveux et barbes longs et blancs sur le visage duquel se lisait toute la sagesse convenue des romans populaires. On médite certainement beaucoup à Bocacangregro. Mais le village était beau dans la lumière du soir.

Le lendemain départ dans la nuit noire encore à 5h. Il a fallu sortir en marche arrière, faute de place pour faire demi-tour dans le port. Une magnifique descente le long de Tenerife dans le jour qui se lève puis la traversée du chenal entre Tenerife et La Gomera, une soixantaine de milles en tout pour arriver à San Sebastian de La Gomera, encore un haut lieu de Christophe Colomb qui y habitait chez une amie, peut-être sa maîtresse laisse entendre avec une pointe d’indignation la littérature nautique. San Sebastian est une petite ville encaissée dans une vallée escarpée. Des maisons au toit plat. Un bistrot tenu par une sédunoise, cousine par alliance de Barbara. Nous y retrouvons Jeannette, une amie de notre époque de Garching au milieu des années 1980. Depuis cette époque Jeannette fait une carrière musicale une partie du temps à La Gomera. Elle nous a emmené chez elle à Valle Gran Rey, de l’autre côté de l’île, où elle habite plusieurs mois par année dans un petit deux pièces au sein d’un grand ensemble immobilier élégant entourant une piscine bleue.

Tenerife et le Mont Teide

Toute une communauté, allemande pour la plupart, s’établit ainsi chaque année dans ce coin de pays avec ses rites, on assiste au coucher du soleil en commun avec musique ou tambour, ses cafés et restaurants. Les gens se connaissent, mieux que dans leurs lieux de vie en Allemagne, nous dit Jeannette. Les restaurants sont accueillants les habitants souriants. On est loin d’un tourisme de masse écrasant et plus proche d’une vie communautaire et paisible qui si elle n’a rien de local semble harmonieuse. Quelle ne soit pas « locale » ne gène en rien, car il n’y avait que fort peu d’habitants dans cette région avant l’installation de cette communauté. Les nouveaux arrivant n’ont donc pas délogé une population préexistante.

Valle Gran Rey est sur l’estuaire d’une petite rivière qui descend des hauteurs de l’île le long d’une vallée escarpée. Sur les sommets, les vents dominants se refroidissent suffisamment en gagnant de l’altitude pour déposer une grande quantité d’humidité et donnent ainsi naissance à une véritable forêt pluvieuse, inattendue ici. La vallée vue de la montagne est comme un grand « V » qui s’ouvre en vert sur la mer bleue au loin. Les côtes sont plus arides, les plantations de bananes y sont en nombre. De petites bananes dont le goût est beaucoup plus prononcé que celle que l’on importe en Europe. Après une soirée au rythme de la communauté locale, une marche le matin suivant vers un village de petites maisons colorées ouvertes sur la vallée accrochées au flanc de la montagne. L’après-midi, nous avons pris un petit ferry pour nous ramener vers San Sebastian où un apéro séduno-familial nous tendait les bras.

Valle Gran Rey
La Caleda, musée du petit village à flanc de montagne

Yann-Arthur, un jeune moniteur de voile de Morges, et Sonia, navigatrice en voyage depuis quelques mois, nous ont rejoint à Tenerife pour étoffer notre équipage jusqu’au Cap Vert. Ils sont deux parmi toute une communauté de marins ou simplement de bateau-stoppeurs qui cherchent des embarquements pour traverser vers les Caraïbes. Certains sont compétents, c’est le cas de Sonia et Yann, d’autres proposent simplement leur aide pour la cuisine à bord ou pour tenir des quarts. Quelques uns ont l’air quelque peu déjantés, ce n’est pas le cas de Sonia et Yann qui sont propres sur eux et semblent bien élevés…. Les embarquer nous permettra de tenir les quarts à deux et donnera de la souplesse pour les manœuvres plus intenses.

L’étape d’après La Gomera nous a mené à Santa Cruz de La Palma, de nouveau une soixantaine de milles dans des vents soutenus. De nouveau un bateau qui marche très bien et un équipage solide. La marina de Santa Cruz de La Palma est au fonds du port commercial, on y pénètre en passant une porte étroite. Malgré cela, la houle entre et nous a ballottés tout le temps de notre escale. Ces problèmes de ressac dans les ports sont une constante des ports de l’Atlantique.

Grâce à Johan de l’Institut d’Astrophysique des Canaries et à quelques contacts en astrophysique des hautes énergies, nous avons organisé une visite aux télescopes de La Palma. Le site est excellent en terme astronomiques, peu d’humidité, un écoulement laminaire de l’air et, à 2400m, il est au-dessus d’une couche d’inversion.  C’est un haut lieu de l’observation astronomique européenne. Nous avons loué une voiture pour nous rendre à Roque de Muchacho, le sommet de la caldera sur lequel les télescopes sont installés. Avant de monter au sommet nous avons pris une journée pour voir les traces de l’éruption de 2021. La lave s’est écoulée d’un sommet jusqu’à la mer broyant tout sur son passage. Dans les bords de la coulée les maisons sont éventrées et partiellement détruites, la lave refroidie pointe dans les fenêtres. Plus loin la lave a tout balayé sur son passage, il ne reste que le champ de lave refroidie, et parfois une petite surface épargnée. Une route est en construction sur la coulée pour permettre d’en relier les deux côtés et donc de désenclaver toute une partie de l’île. Il est interdit de s’arrêter sur ce tronçon dont certains passages sont encore très chauds. 

Traces de l’éruption de 2021

La montée vers Roque de Muchacho, l’emplacement des télescopes, se fait par une route qui n’a rien à envier à celles du val d’Anniviers. Par contre, on part du niveau de la mer pour monter d’une traite jusqu’au sommet. La route traverse des végétations variées en fonction de l’altitude, Des cultures pour commencer, une magnifique forêt de pins puis l’aridité des sommets. Le premier télescope que nous avons vu était le GTC (Gran Telescop Canaria), le plus grand miroir du monde pour le moment avec un diamètre de 10m. Cela implique qu’il collecte 100 fois plus de lumière que ne le fait un télescope muni d’un miroir d’un mètre. La visite a été conduite par une ancienne étudiante de José Miguel, un collègue et ami de Garching qui a porté une part importante de la mise en place de ce télescope après avoir quitté l’Allemagne. J’étais enchanté de constater que son labeur pendant des années porte maintenant des fruits ; le télescope est magnifique et fonctionne à plein rendement. La visite suivante était pour les installations d’astrophysique des hautes énergies. Comme au Mont Teide, ce sont d’immenses miroirs qui collectent la lumière laissée par des grains de lumières de très haute énergie dans l’atmosphère. Les télescopes installés à La Palma sont pour deux d’entre eux  -MAGIC- un des premiers grands projets de cette nature et pour deux autres les premiers d’une installation de nouvelle génération. Ces immenses miroirs d’une technologie de pointe forment un contraste saisissant avec la nature rude du sommet de la caldera. La dernière visite fut pour deux télescopes que les Britanniques ont installé ici. Ce furent en leur temps de grands télescopes, mais même le plus grand des deux fait maintenant pale figure avec son miroir de 4.2m. Comme pour d’autres instruments de cette classe il faut mettre en œuvre de nouvelles approches pour utiliser au mieux leur capacités.

Le télescope “MAGIC”

La navigation suivante, jusqu’au sud de Gran Canaria, est la première un peu plus longue, 130 milles, avec nos équipiers. Nous sommes partis vers midi pour être certain d’arriver de jour. Les conditions étaient attendues tout à fait confortables. Les accélérations entre les îles en ont cependant fait un exercice plus viril, le vent est resté longtemps entre 30 et 38kt, un force 7 très bien établi avec des rafales plus fortes.  Le bateau et l’équipage ont très bien fonctionné, ce qui augure bien pour la traversée vers le Cap Vert dans quelques jours.

Au sud de Gran Canaria, nous nous sommes arrêtés à Pasito Blanco sur une recommandation d’Agustin, le port officer du Ocean Cruising Club pour la région. Le port est bien protégé, ce qui est important car un coup de vent d’ouest est annoncé pour les jours suivants. L’environnement du port est un peu terne, des maisons de vacances mitoyennes et un seul café-restaurant. Un peu plus loin, Maspalomas, une ville de micro maisons de vacances encerclées par des enceintes de protection et d’immeubles immenses, le tout donnant une impression « cheap ». Nous avons marché des kilomètres à la recherche d’un centre inexistant pour finir par dîner au bord d’un trottoir entre une pizzéria et une enseigne de burgers. Une grande affiche en face de nous annonçait des « naked cruises ». Dans ma naïveté je pensais qu’il s’agissait de location de bateau sans skippers. Un regard un peu plus aigu indiquait cependant que seuls les hommes étaient admis et que l’adonis de l’affiche n’avait que le prix de la journée comme habit.

Hormis le tourisme de toutes catégories, les canaries sont riches en énergies solaire, éolienne et géothermique. Elles le sont tellement que nous avions noté et écrit (cf Cérès en Atlantique, récit et réflexions d’un Suisse en mer, eds Slatkine 2012) il y a 13 ans lors de notre passage ici que les Canaries devraient être exportatrices d’énergie. Depuis rien ne semble avoir évolué de manière notoire. Ce n’est pas faute de techniques ou technologies, collectivement nous savons depuis longtemps comment transformer ces énergies. L’immobilisme énergétique ici comme ailleurs est une faillite de nos processus décisionnels. Nous sommes incapables d’agir si « le marché » ne donne pas sa bénédiction, et le marché a dit « pétrole » pendant toutes ces années. Une honte pour notre intelligence collective. (https://www.heidi.news/sciences/le-defi-climatique-n-est-pas-un-probleme-de-physique-mais-de-prise-de-decision .)

Yves, Hélène et leurs enfants nous ont rejoints à Pasito Blanco pour quelques jours. Un plaisir de les avoir à bord pour deux belles navigations sur une mer calme et bleue sous le soleil par un petit vent facile. Barrer Gaia remplissait les deux garçons d’une belle fierté. Nous avons aussi fait une belle excursion dans une gorge encaissée dans des roches volcaniques riches en couleurs.

Hélène, Marlo, Yves et Basile

La famille repartie, il s’agissait de préparer Gaia pour les quelques 900 milles de la traversée vers le Cap Vert. Il faut prévoir une traversée de 6 jours et donc autant d’autonomie. Faire le plein d’eau, de fuel, de nourriture, vérifier le gréement, le moteur, prendre la météo et optimiser la route avec Pierre Eckert. Les vents seront toujours de l’arrière, maniable au début, plus forts sur la fin, la mer est prévue plutôt formée avec une houle de quelques trois mètres.

Les deux premiers jours furent magnifiques, la mer bleue, le ciel clair, du vent, un bateau qui avançait bien. Nous avons tangonné notre génois, réduit un peu la grand-voile. La nuit était sans lune pendant les premières heures, Orion se levait couché sur l’horizon, l’étoile polaire basse sur l’horizon, nous progressons vers le sud, la Croix du Sud est apparue, la Voie Lactée traverse le ciel. Quelques fluorescences apparaissent dans le sillage. Les quarts se sont succédés, quatre heures de veille et de travaux divers, puis quatre heures de sommeil ou repos, et on recommence pendant 6 jours. Beaucoup de contemplation, de la  lecture, un peu de musique. Plus tard dans la traversée la mer s’est levée et le vent a fraichi. Nous avons réduit la voile un peu plus pour ralentir car nous ne voulions pas arriver à Mindelo de nuit. Nous avions en effet vu lors de notre passage à Mindelo en 2009 que la baie devant le port était jonchée d’épaves non éclairées, rendant une arrivée de nuit plus que délicate.

Génois tangonné et réduit dans la nuit tombante
Arriver à Mindelo

Nous sommes arrivés en milieu de matinée le 22 décembre, nous avons constaté que la plupart des épaves ont été enlevées et nous nous sommes amarrés à un ponton, heureux d’être bien arrivés, sans trop de fatigue. La ville, comme la baie, a bien changé ces dernières années. D’une impression de grande pauvreté à l’époque, on trouve maintenant des petits supermarchés raisonnablement achalandés, le marché aux légumes est superbe, les gens dans la rue ont, pour la plupart et comme l’aurait dit nos parents il y a quelques décennies, bonne façon.

Après une solide nuit et une journée de remise en état du bateau et de l’équipage, nous avons pris un taxi pour nous rendre sur le chemin du Monte Verde, le point culminant de l’île. Nous avons poursuivi à pied jusqu’au sommet qui n’a de vert que le nom avant de redescendre, retrouver un taxi et nous rendre dans un village qui n’avait de joli que sa réputation. Ce fut alors un peu ardu de trouver un moyen de locomotion pour rentrer à Mindelo. Le lendemain, taxi jusqu’à San Pedro, bain avec des tortues qui sont soigneusement nourries pour rester en nombre à proximité des baigneurs. Il n’y a que peu de décorations de Noël dans les rues, pas de chants sirupeux dans la rue, pas de rennes en guirlandes, pas de pères Noël sur les façades. Un Noël en short, des bains dans de l’eau chaude à souhait, bref un début d’hiver parfaitement agréable.

Cheminer vers le Monte Verde

La navigation entre les îles de l’archipel n’est pas aisée, les alizés sont considérablement renforcés par effet venturi et la houle contourne facilement les îles. C’est donc en ferry que nous avons rejoint Santo Antao, l’île voisine dépourvue de port. Nous y avons trouvé un guide pour trois jours de marche. En arrivant le premier matin à 8h, nous avons été montés en voiture jusqu’au cratère de Cova à quelques 1400m d’altitude. Nous nous sommes trouvés dans le brouillard et sous la pluie avec une visibilité nulle et un froid mordant pour entamer une descente jusqu’à la mer dans la vallée de Paul. Le début fut ardu, le chemin pavé,  vertigineux et fort raide glissait rendant notre progression lente, malgré de solides chaussures. En arrivant sous les nuages, la vue s’est dégagée sur un paysage de montagnes que l’érosion n’a pas encore adoucies, grises dans les nuages sur les sommets, puis brillant du vert intense d’une végétation luxuriante.  Les cultures s’entremêlent, de la canne à sucre, des amandiers, des manguiers, des arbres à pain, des papayers, des orangers (amères), de l’igname, du manioc, des petits poids, de la patate douce, des bougainvilliers, des acacias, et certainement d’autres encore. La richesse de la végétation est accompagnée d’une riche zoologie d’insectes. Des petites taches bleues ou rouges, des toits, brillaient dans le soleil des zones les plus basses, jusqu’au bleu de la mer encore lointaine. La descente s’est poursuivie, moins éprouvante car le chemin était sec, mais terriblement longue.

Le deuxième jour de ce séjour nous avons emprunté un chemin côtier. Le cheminement a certainement été dessiné par un sadique notoire qui a utilisé la géographie de la région pour concevoir un sentier qui part du niveau de mer, monte abruptement de quelques centaines de mètres, redescend tout aussi abruptement et recommence ainsi de multiples fois pendant des heures. Nous avons eu tout loisir de méditer sur le mythe de Sisyphe, voire sur quelques représentations de l’enfer, dans des paysages volcaniques, grandioses et brutaux.

Le troisième jour de cette expédition nous promettait une marche aisée. J’imaginais des chemins en pente douce qui épargneraient nos carcasses usées. Erreur. Nous avons été déposés au pied d’une pente abrupte qui nous a mené à travers de multiples cultures en terrasses – à côté desquelles celles du Lavaux font figure de champs étendus- sur un sentier qui s’est transformé en gigantesque escalier vers un petit village frais et fleuri, des étoiles de noël grandes comme nous, des roses et des bougainvilliers. Descente ensuite, jusqu’à la mer, en traversant des champs, mais aussi des zones de travaux divers, comme le tri de cailloux et de sable au fond de la vallée, un travail harassant sous le soleil. C’est avec soulagement que nous avons posé nos fesses dans les sièges du ferry qui nous ramenait à Mindelo.

Notre guide, Kevin et un habitant de Xoxo

L’année change aussi au Cap Vert, même sans froid, pluie ou neige. Nous avons donc regardé comment la soirée du 31 pourrait s’imaginer. Nous avons pris le parti de passer un peu de temps avec quelques équipages voisins dans la fin de l’après-midi, puis de dîner d’un poisson apprêté par Barbara avant de nous rendre en ville. Les rues se sont petit à petit remplies d’une foule que nous avons suivie en direction des quais. A minuit un feu d’artifice fut tiré au-dessus de la ville. Il a duré une vingtaine de minute au-dessus d’une population qui manifestait son plaisir en applaudissant souvent. La foule, nous compris, s’est ensuite déplacée vers les hauts de la ville où une scène avait été installée et la musique a commencé. Une musique entrainante, les hanches de tous sexes et tous âges se balançaient à son rythme. Il était impossible d’échapper à la musique, elle s’entendait de partout, même de notre couchette après 2h du matin. Ce n’est qu’à 8h que les décibels se sont tus. La ville s’est alors assoupie pour 24h. Pas de taxis, pas de magasins ouverts, pas de bistrots, pas de bruit. La vie n’a repris que petit à petit dans la nouvelle année.

Nous passerons encore quelques jours à Mindelo avant de partir pour le Brésil. Nous voulions aller sur Sao Nicolau voir une amie mais elle n’y arrivera que trop tard, les liaisons inter-îles étant aléatoires dans l’archipel. Nous la verrons à son arrivée à Mindelo avant notre départ.

Bonne Année

11 réflexions sur « Des Canaries au Cap Vert »

  1. Bonjour à vous deux quelle belle aventure peuplée de paysages magnifiques ,merci pour ces moments de rêve,bonne navigation et bonne année

  2. Merci pour ce partage haut en couleurs.
    Nous vous souhaitons une nouvelle année remplie d’émotions et de découvertes encore plus spectaculaires que les années précédentes.
    Bon vent et bonne route

  3. Chers amis,

    Nous sommes heureux de constater votre belle et riche progression vers le sud .

    Merci de nous faire partager votre belle aventure.

    Bien à vous deux.
    Annick et Claude

  4. Le récit est magnifique. Merci pour ce tableau de bord. J ai bien aimé les références à Anniviers, bistrot sédunois et le Lavaux. Comme quoi vous n oubliez pas votre pays.
    Bonne route vers le Brésil. Bonne et heureuse année et bonne santé.

  5. Quelle périple magnifique avec une petite préférence pour le Cap vert!
    Profitez de ces quelques jours sur terre ferme avant d’entamer la prochaine aventure vers le Brésil.

    Bien à vous
    Hélène

  6. Si la «  balade » au Monte Verde à fait trembler d’horreur mes genoux «  prothésés », j’ai été émerveillée par le récit du Nouvel An capverdien que j’aurais volontiers partagé avec vous.
    Alors, bonne et heureuse dans ces régions avec lesquelles nous aurions pu partager les ressources renouvelables d’énergie au lieu de continuer à privilégier le commerce du plastique pour fabriquer, entre autre, l’arsenal de «  décorations «  de nos Noëls consuméristes qui nous mène sans doute au chaos.
    Sur ce message d’espoir, à bientôt de vos nouvelles et mes vœux pour que tout continue de bien se passer pour vous.
    Christiane du Bout du Coin

  7. C’est toujours un plaisir de vous suivre.
    Que de nombreuses et belles rencontres.
    San Antao nous rappelle de bons souvenirs, en effet très pentus !
    Bonne Année et bonne traversée.
    Bises
    Saskia et Daniel

  8. Bonjour Barbara et Thierry
    C’est un plaisir de vous lire, on vous souhaite un magnifique voyage pour cette nouvelle année, et une excellente année à vous.
    Florence et Christophe

  9. Et bien, une fin d’année bien riche en rencontres et découvertes! Merci pour les belles photos et les textes originaux. Excellente Nouvelle Année et bonne traversée de l’Atlantique!

  10. je me souviens dans les années huitante de récits dramatiques sur l’érosion au Cap-Vert et des lendemains qui ne chanteraient pas. La culture en terrasse, et la récolte de cailloux semblent avoir permis d’inverser la tendance. Bonne année à vous. Elle sera sans doute passionnante!

  11. Chers Barbara et Thierry
    J’apprécie beaucoup votre récit. Passionnant, coloré, pleins d’aventures et rien ne vous arrête pour participer à toutes ces rencontres, à observer d’un œil aiguisé la nature, les peuples et l’atmosphère
    Quelle richesse!! Votre vie est merveilleuse et merci de la partager avec nous
    Bon vent pour la suite
    Vous embrasse
    Antoinette Savatier.

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