De Mar del Plata à Puerto Deseado
Le 22 octobre Omar nous a rejoint à Piriapolis. Nous serons quatre avec Charles Henry pour rejoindre Mar del Plata à quelques 230 milles. Omar est le port officer du Ocean Cruising Club pour Buenos Aires, une personne qui met du temps, des connaissances et des compétences à la disposition de navigateurs venant de loin naviguer dans sa région. Nous l’avions rencontré à Piriapolis en avril et évoqué la possibilité qu’il navigue avec nous en Patagonie. Un projet qui s’est concrétisé, nous apportant la précieuse connaissance qu’il a aussi de la Patagonie, la région dans laquelle nous allions naviguer. Omar est cardiologue et médecin de plongée avec l’urologue qu’est Charles Henry nous avons à bord les compétences pour soigner bien des maux. Il ne manque qu’un interniste, un pneumologue et un neurologue pour que nous devenions immortels.
Le 24 octobre, nous faisons les démarches administratives pour quitter l’Uruguay. Nous sommes aimablement reçus dans la baraque des bureaux de l’immigration, une cabane de bois dont nous ne voyons que le corridor sombre et vétuste orné de quelques affiches aux couleurs passées donnant des recommandations de sécurité. Le corridor étroit est barré d’une table de cuisine pliable en formica et d’une méchante chaise sur laquelle un quidam est assis en attendant quelque papier. La dame qui nous reçoit est souriante, demande les papiers du bateau et les passeports de l’équipage avant de disparaître dans une pièce d’où elle ne revient qu’un long moment plus tard en disant que l’équipage peut disposer, mais que le capitaine doit attendre. Il semble que le système soit surchargé par l’arrivée d’un ferry à Montevideo et le nombre d’opérations que l’ordinateur, probablement fort poussif, doit traiter. Tout se finit cependant bien, les passeports sont dûment tamponnés et nous devrons avoir quitter le territoire dans les 24 heures. Après les bureaux de l’immigration, le bureau du port pour payer la place, puis la prefectura -les gardes côtes- où tous les papiers précédents doivent être montrés. On nous envoie faire des photocopies en ville, mais là aussi, donné le temps nécessaire, tout se termine à la satisfaction générale. Nous sommes libres de quitter l’Uruguay.
Le 25 nous partons tôt dans l’espoir d’arriver à Mar del Plata de jour 36 heures plus tard. La navigation est magnifique, le vent faible au départ s’établi force 6 au nord-ouest, parfait pour une navigation rapide. Gaia progresse entre 8 et 9 kt sur l’eau. Le seul problème est un courant contraire certain : l’eau progresse à 1.5kt vers le nord, à l’opposé de notre route. Nous allons au sud à 8kt sur une mer qui va elle à 1.5kt au nord. Nous ne progressons donc que de 6kt ou 6.5 kt vers notre but. Le nombre d’oiseaux que nous voyons est phénoménal, des pétrels pour la plupart, mais aussi un tout petit oiseau vert et rouge, des hirondelles de mer et d’autres que nous ne parvenons pas à identifier. Un oiseau, certainement de la famille des pigeons, s’installe sur le bastingage et reste plusieurs heures avec nous pour se faire ramener vers la terre par nos soins. Dans l’eau des dauphins en nombre. La mer est quelque peu chaotique à cause du courant qui s’écoule contre le vent, mais l’équipage résiste bien.
Quelques heures après être partis et proche de la ligne de frontière Uruguay-Argentine, à un moment de mer relativement calme, J’ai affalé le pavillon de courtoisie uruguayen (dans un pays qui n’est pas celui dont le bateau porte le pavillon, il est exigé de porter à tribord le pavillon du pays dans les eaux duquel on navigue, le pavillon de courtoisie). J’ai alors préparé ce que je croyais être le pavillon argentin et lui ai attaché le pavillon « Q », jaune, qui demande la libre pratique dans les eaux nationales, pavillon que l’on enlève une fois les formalités d’entrée accomplies. Omar a froncé les sourcils en voyant mon pavillon monter puis m’a dit en rigolant que j’avais là le fanion de l’équipe nationale argentine de football. Autant pour moi -et probablement pour le magasin qui me l’a vendu. N’ayant rien d’autre, ce pavillon restera jusqu’à ce que je puisse en trouver un autre.
La vitesse étant considérablement ralentie par le courant, notre espoir d’arriver de jour à Mar del Plata s’est évanouit. La nuit était largement tombée quand nous approchions de la côte, le vent toujours fort et l’approche difficile. L’entrée du grand port est en partie obstruée par un haut fond qu’il faut soigneusement éviter. J’ai de la peine à identifier les feux rouge et vert de l’entrée du port dans le foisonnement de lumière de la ville et, quand nous sommes dans l’alignement de l’entrée, les autorités du port nous ont communiqué qu’un gros bateau était en mouvement vers la sortie. Nous nous sommes donc placés tout proche de la digue, et avons croisé le chalutier sortant de près mais sans problème et nous nous sommes avancés vers la marina où Il nous fut ordonné de prendre une bouée à l’extérieure jusqu’aux contrôles de douane et sanitaire. Un zodiac du yacht club vint nous aider à nous amarrer à la bouée trop basse pour nous donner accès à son anneau. Tout ceci dans un espace restreint et avec toujours un vent de force 6. Une fois bien amarré, un solide verre de rhum a fait quelque peu diminuer le niveau d’adrénaline dans mon sang.
Au milieu de la matinée suivante nous avons vu le bateau des officiels arriver. Ils étaient nombreux -cinq-, la douane, le contrôle sanitaire et la prefectura. Il s’est agi de remplir des papiers en nombres, demandant toujours les mêmes informations sur le bateau et l’équipage. La séance s’est terminée par la visite d’un chien qui n’a pas trouvé de produits illicites. Nous avons alors pu affaler le pavillon « Q », jaune, qui indiquait que nous demandions la libre pratique dans les eaux argentines. Nous sommes entrés dans la marina pour nous amarrer. Ce ne fut pas trivial non plus, il n’y avait pas assez d’eau à notre place, nous avons donc attendu que la marée remonte pour nous approcher du quai. Nous creuserons un puit dans la vase à la marée suivante.
A quai le 27 octobre, nous avons du temps devant nous pour profiter de la région et préparer Gaia pour un départ vers le sud à partir du 15 novembre, le début de la saison pendant laquelle la Patagonie est accessible à des équipages comme le nôtre. Il faut se procurer quatre amarres de 100m ou plus pour s’amarrer à des rochers ou des arbres, des protections à mettre autour de ces amarres pour qu’elles ne se coupent pas sur les arêtes des rochers, une machette pour couper le kelp (de grandes herbes qui encombrent les fonds marins) qui s’accroche à la chaîne d’ancre. Il faut faire nettoyer les réservoirs de fuel pour éviter la formation de bactéries qui bouchent les filtres -bactéries aidées dans leur prolifération par la part de bio-fuel dans le combustible brésilien-, approvisionner le bateau pour une longue période sans supermarchés, vérifier le gréement, faire le plein en utilisant nos jerrycans à la station-service, etc.. Il nous fallait aussi trouver quelques pièces de rechange, une batterie pour le moteur de notre annexe, diverses pompes pour le chauffage. Omar nous les a trouvées, mais il fallait payer cash et en dollars américains. Ennuyés sans suffisamment de billets verts et dans un pays où l’argent est problématique nous avons fait appel à José, ancien capitaine du Nautical Club Mar del Plata qui, avec son épouse Françoise, avait aidé un couple d’ami il y a quelques années. Sans nous connaître José est arrivé avec une liasse conséquente de dollars qu’il nous remit en nous invitant le lendemain à la soirée anniversaire qu’il organisait pour Françoise.
Anniversaire de Françoise
Ces activités nous laissaient suffisamment de temps pour visiter la ville et ses environs. Une ville qui fut de maisons de briques ou de pierres en colombage et dont maintenant le front de mer est d’immenses buildings alors que le reste de la ville est resté de maisons basses, cossues pour certaines. Deux rues commerçantes dont les vitrines auraient pu se trouver n’importe où dans les villes du globe. Une vie animée dans ces rues, animation que nous n’arrivons pas à comprendre dans l’ambiance de crise économique et d’inflation galopante qui règne dans le pays. Nous avons beaucoup marché dans la ville, jusque dans un musée d’art contemporain, un de ses musées remplis d’œuvres qu’avec la meilleure volonté du monde je ne comprends pas. Un chalutier était mis à l’eau en grande pompe dans le chantier naval qui jouxte la marina. Nous avons assisté à la cérémonie. Le glaive et le goupillon se sont succédé dans des discours convenus, mais, autant que nous ayons compris, le directeur du chantier s’est lancé dans une forte diatribe exigeant, indépendamment des tendances politiques ou des choix dans l’élection à venir, une conduite des affaires du pays respectueuse des richesses, des talents et de la formation donnée aux jeunes ingénieurs qui permette de sortir le pays de la crise quasi permanente qu’il vit. Un discours qui mettait les forces vives de la région en évidences et que nous avons pensé porteur d’avenir.
Art contemporain à Mar del Plata
Inauguration d’un chalutier à Mar del Plata
Françoise et José nous ont emmené voir la campagne environnante expliquée par José, ingénieur agronome. On apprend que la pampa autour de Mar del Plata est d’une grande richesse agricole, que tout pousse et que 17 vaches peuvent prospérer sur un hectare, alors que le pays plus au sud est d’une grande aridité et qu’il y faut plusieurs hectares pour nourrir un mouton. La visite s’est terminée chez un de leurs amis, Andres, qui nous a reçu sur son domaine. Il nous a promené, montré de magnifiques arbres – tous les arbres de la région ont été planté par des hommes après la colonisation, il n’y avait avant les colons que des herbes- et amené près d’un puit en marbre de Carrare importé d’Italie. Il nous a expliqué la symbolique de ses reliefs : des serpents en bas, sous la terre, le domaine de la mort ; des lions en surface, la vie ; et un condor au sommet, le lien avec le ciel et la spiritualité. Il a ensuite ouvert le puit et levé le seau en dévoilant une bouteille de rouge et cinq verres en nous disant que ceci formait le lien entre le domaine inférieur et le ciel. Voilà une forme d’ésotérisme que je comprends fort bien. L’agape s’est poursuivie dans sa maison, quelque peu vétuste mais meublée de pièces intéressantes, y compris un piano à queue désaccordé sur lequel Barbara nous a joué quelques notes. Andres a dans un immense hangar une collection de centaines de motos depuis les tous premiers modèles, y compris une motosacoche genevoise du début du 20ème siècle. Il possède aussi le dernier bateau de Vito Dumas, un navigateur argentin qui fit l’un des tout premiers tours du monde à la voile en solitaire pendant la guerre dans les années 1940. Vito Dumas a écrit ses périples, comme beaucoup des navigateurs de cette époque. Son livre fait partie des classiques du genre ; adolescent je l’avais lu avec plaisir. Nous verrons le bateau dans le port de Mar del Plata plus tard.
Andres, son puit, quelques objets de chez lui et une motosacoche
Le Sirio, le dernier bateau de Vito Dumas
Mar del Plata est un point de départ privilégié pour les bateaux partant vers le sud. Le dernier endroit où l’on peut se procurer le matériel nécessaire et, comme nous, préparer son bateau pour les conditions rudes des 40ème rugissants et des 50ème mugissant. Nous y sommes rejoints par Balthazar, un bateau français qui avait aussi passé l’hiver à Piriapolis en partance pour une croisière en Antarctique. Ils voudront partir rapidement à cause d’un avion à prendre avant Noël, ce qui leur fera passer quelques moments difficiles en mer. Peu avant notre départ, c’est Boaty Mcboatface, un bateau sous pavillon allemandque nous connaissons depuis une escale à Skagen à la pointe du Danemark en 2018. Ils hésitent à descendre, puis se décideront à nous suivre. Wandelaar est un bateau hollandais qui nous a précédé de quelques jours à Mar del Plata, il fera partie de la petite cohorte de navigateurs qui descendent vers le sud et resteront quelques mois à Ushuaia.
Barbara, Thierry, Omar et Ivo, l’équipage
L’argent en Argentine ne s’écoule pas des automates bancaires à la guise du client. Il y a au moins deux taux de change différent, le dollar officiel et le dollar bleu qui diffèrent d’un facteur 3. Nous obtenions 78’000 pesos argentins pour 100 dollars dans la rue ou des bureaux de changes au début de notre séjour et plus de 100’000 trois semaines plus tard. Payer avec une carte donne un taux intermédiaire. Les automates ne délivrent que 15’000 pesos par opération, environ 15.- CHF. Obtenir des dollars pour payer des pièces de rechanges n’est pas possible. Tout ceci nous obligea à quelques contorsions rendues possibles par la gentillesse et la confiance de nos vis-à-vis Françoise, José, Patricia et Charles.
Un des problèmes majeurs de l’Argentine, à côté d’une incompétence crasse des hauts fonctionnaires, est la corruption. Celle-ci est, nous dit-on, partout. Elle est même représentée par une sculpture monumentale à l’un des angles de ce qui est maintenant le ministère de la santé. Tout un programme. Nous étions à Mar del Plata pendant la période électorale du second tour des élections présidentielles. Les deux candidats en lice étaient un extravagant aux vues extrêmes et terriblement à droite et un représentant du gouvernement actuel, responsable du chaos national, qui promettait qu’en tant que président il résoudrait tous les problèmes qu’il n’avait pu attaquer comme ministre des finances. La population exaspérée par l’incurie du gouvernement en place a opté pour le changement, un grand saut dans l’inconnu.
Un peu de dérision autour d’un problème lançinant
Charles Henry est reparti pour la Suisse pendant cette période, Ivo, qui avait navigué avec nous entre Itajai et Piriapolis en avril, nous a rejoint. Nous serons donc quatre à nouveau pour faire la route vers Ushuaia puis Puerto Natales.
Il y a deux clubs nautiques à Mar del Plata. Le week-end des nuées de lasers et optimistes sortent par tous les vents. Les capacités nautiques de ces jeunes et parfois encore enfants sont impressionnantes. Les plus grands sortent aussi en nombre, certain à la voile dans le tout petit espace de la marina. Un des clubs possède aussi des courts de tennis. C’est de là qu’a émergé Guigermo Villas, encore une référence d’une autre époque.
Les conditions ne permirent pas de partir vers le sud pendant encore plusieurs jours et ce n’est que le 22 novembre que la météo s’est suffisamment améliorée pour permettre un départ. Nous avions le choix d’aller à San Blas, à 250 milles, à Puerto Madryn, 100 milles plus loin, ou à la caleta Horno à quelques 500 milles. Les conditions dicteraient la destination, mais il semblait bien que nous pourrions aller jusqu’à la caleta de Horno. Les discussions par courrier électronique via satellite avec Pierre Eckert, météorologue, nous aideront à prendre les décisions au fil de la navigation.
Ayant creusé notre trou dans la vase de la marina du Yacht Club Argentino il nous fallait partir à la marée la plus haute. Ce fut à 00h10 le 22 novembre après avoir appelé la préfectura naval et obtenu l’autorisation de sortir du port, les papiers ayant été faits la veille. Il nous faudra à partir de ce moment envoyer tous les jours un courrier via satellite aux autorités pour indiquer notre position. Un manquement à cette obligation peut valoir une amende importante. Il était écrit que nous ne connaîtrions le port de Mar del Plata que de nuit !
La première journée de navigation fut superbe, la première nuit sombre et sans lune permettait de voir la Voie Lactée et le Grand Nuage de Magellan. Somptueux. Les quarts se succédaient sans efforts, notre organisation donnant à chacun 6h de repos après 3h de veille. Quelques heures de punition ensuite, du près dans une mer formée, un cap qui ne nous menait pas là où nous voulions aller, du vent. Puis les conditions s’améliorèrent à nouveaux. La nuit du 24 au 25 le vent s’est levé énergiquement, 37kt, 65 km/h, sur une mer forte. Plus de vent qu’il n’en faut, mais nous avancions fort bien, 24 milles en trois heures pendant un quart. La mer s’est ensuite calmée et la route s’est poursuivie paisiblement. La météo annonçait une fin de parcours difficile, beaucoup de vent contraire pendant la dernière nuit. Nous avons donc décidé de ne pas insister et de nous poser pendant quelques heures au fond d’une anse bien protégée. Nous y sommes arrivés à minuit, la nuit du 25 au 26, quelques minutes après l’arrivée du mauvais temps. Nous avons dormi et sommes repartis au matin pour les derniers 40 milles vers la Caleta Horno.
La route est simple pour rejoindre la Caleta Horno, mais passe entre une île, Leones, et le continent. Les courants y sont décrits comme forts. Nous sommes passés à un moment de la marée pendant lequel le courant de 5kt était contre nous. Notre vitesse était de 6kt sur l’eau, l’eau allait à 5kt contre nous, nous n’avancions donc que de 1kt, soit 1.8km/h, par moment.
La Caleta Horno est une petite échancrure au fond d’une baie dont la cartographie offre quelques différences avec la réalité. Elle est dite le meilleur mouillage de toute l’Argentine mais comme elle est très petite on ne peut pas se contenter de mouiller son ancre. Il faut encore empêcher le bateau de tourner autour de l’ancre au gré des vents et donc amarrer l’arrière à terre sur des rochers (il n’y a pas d’arbres). Ce que nous avons fait avec quatre amarres de plus de 50m chacune sur les deux rives de la Caleta. Une manœuvre ardue car il faut tenir le bateau immobile dans le vent, mettre l’annexe à l’eau, tirer les amarres à terre, puis débarquer sur un rocher et en faire le tour pour la nouer. La caleta est de roches rougeâtres sculptées par le vent et la mer -ce sont, je crois, de très anciens terrains-, de quelques herbes sèches et dures, aucune présence humaine, pas de communication autre que le satellite. La vie est toute en discrétion dans cette région aride et particulièrement ventée. Nous avons pu faire un tour de la caleta avec notre annexe et grimper sur une petite crête à partir du seul point sur lequel nous pouvions accoster avec notre dinghy pour admirer Gaia dans sa solitude sauvage. Barbara a pris un premier bain patagon. Le jour qui suivi cette excursion le vent est revenu, 50kt au mouillage. 50kt est la force du vent que l’on ressent debout sur la banquette d’une 2CV capote ouverte à fond dans une descente. Sur un bateau qui tient sur son ancre et quatre amarres, le sentiment de précarité est prenant, le stress palpable. Qu’un élément de l’amarrage lâche et… je ne sais pas très bien ce que nous aurions pu faire pour empêcher que nous nous écrasions dans les rochers. Barbara dit qu’elle se souviendra longtemps des heures de jour puis de nuit à entendre le vent siffler dans le gréement et dans les amarres. Elle se souviendra aussi des heures de coutures dans le vent qui furent nécessaires pour éviter que les fermetures éclairs de la capote qui protège notre cockpit ne cèdent sous la pression des éléments.
Gaia amarré dans la caleta de Horno
Détricoter l’amarrage
Bain et soleil en Patagonie
Couture après la tempête
Mais même les coups de vents les plus forts cessent. Tout a tenu, le calme est revenu, les sourires aussi. Un guanaco, sorte de petit lama, a fait une apparition sur une crête. Nous avons pu envisager l’étape suivante qui nous mènerait à Puerto Deseado. La météo fut discutée avec Pierre Eckert, les modèles variaient grandement entre eux, temporairement et spatialement. Nous en avons conclu que les conditions seraient variables, mais sans danger. Détricoter l’amarrage est aussi délicat que son établissement. Nous avons attendu un moment calme pour cette opération et avons quitté cet endroit en toute sérénité pour une trentaine d’heures de navigation sans problèmes. En partant le matin il était inévitable que nous arrivions de nuit. Une arrivée délicate : les courants sont forts à l’entrée de Puerto Deseado, suffisamment forts pour interdire l’accès au mouillage par courant contraire. Heureusement, nous sommes arrivés précisément au plus bas de la marée. Il ne restait qu’un peu de courant que nous étalions sans problème. Par contre, de nuit, l’arrivée est difficile, une des côtes n’a aucune lumière ni civile ni de phare ou autre, la nuit était sans lune et l’entrée est étroite. Nous avons mouillé notre ancre, bu un solide Rhum pour faire diminuer le niveau d’adrénaline dans le sang puis nous avons dormi quelques heures. Le lendemain, nous avons pris contact avec le chantier naval qui détient un gros ponton flottant et avons obtenu l’autorisation de nous y amarrer du côté abrité. Heureusement, car le coup de vent suivant était annoncé. Visite ensuite aux autorités, cela fait partie du rituel de l’arrivée.
Gaia amarré à Puerto Deseado
Puerto Deseado est une ville de 25’000 habitants dont l’industrie principale est la pêche. On y a un peu l’impression de s’approcher du bout du monde. Les maisons sont basses, beaucoup sont dans un état un peu triste. Quelques voitures, un seul restaurant acceptable. Il n’y a pas de port à proprement parlé mais un long quai sur lequel une quinzaine de gros bateaux de pêche sont amarrés. Le quai est exposé aux vents du sud, pas de problème pour un gros chalutier en acier, mais pas question pour nous de nous y amarrer. L’ancrage dans le sud de la baie est acceptable, mais trop loin, le courant trop violent et le clapot trop fort pour traverser en annexe, il reste une bouée plus ou moins abritée, mais inaccessible en dinghy sauf dans des conditions calmes, et le ponton flottant du chantier naval où un unique bateau peut tenir, même s’il y peu d’eau pour nous. Nous y sommes bien amarrés pour passer quelques jours en attendant une météo qui nous permette de poursuivre vers le sud et les îles de l’Etat à la pointe de la Terre de Feu.
Puerto Deseado
Le street art à Puerto Deseado nous rappelle qu’il y avait une population dans la région avant les Européens. Une population peu dense qui laissera peu de traces. Une population qui disparaîtra sous les balles et les virus européens. Mais si la population a disparu, une partie de son héritage génétique se lit dans les traits des habitants de la région. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour réaliser que se sont les hommes européens qui ont procréé avec des femmes indigènes plutôt que le contraire. Autant pour la morale catholique des nouveaux arrivants. Autant aussi pour l’argument qui faisait considérer les indigènes comme des sous humains et « excuser » ainsi le fait de les massacrer.
Street art à Puerto Deseado
La marche le long de la mer mène au bout de quelques kilomètres à un grand monument à la gloire des soldats et marins tombés aux Malouines (personne ne mentionne le mot Falkland ici). Toutes les cartes et documents officiels mentionnent que les Malouines, Malvinas en espagnol, sont argentines. On trouve autour de cette guerre tout le folklore des morts glorieuses pour la patrie que l’on trouve partout ailleurs autour d’autres conflits qui ont généré une masse de monuments aux morts d’esthétique souvent douteuse, mais de morale politique fort claire. Nous sommes censés admettre que ces soldats étaient guidés par une élite compétente et défendant de hautes valeurs, alors que bien souvent ils sont morts à cause de l’incompétence des cadres de leur armée au service de castes qui défendent des intérêts particuliers. La guerre des Malouines aura ainsi assuré la réélection de Margareth Thatcher et nous a valu à tous une grosse dose supplémentaire de néolibéralisme sauvage. Et si la grandeur de l’empire britannique doit se lire dans ses exploits militaires, la guerre de Malouines ne peut que nous rappeler qu’il ne reste pas grand-chose de cet empire, hormis, peut-être, une attitude hautaine de certains anglais.
Les Malouines sont argentines!
Il y a à une dizaine de milles de la ville une petite île, Isla Pinguina, colonisée par des pingouins de Magellan et d’autres des Malouines. Nous y avons fait une excursion organisée en compagnie de ce qui était peut-être l’entier de la population touristique de l’endroit, à savoir une douzaine de personnes. La faune est faite de centaines d’otaries, des petites et des plus grandes, et de milliers de pingouins des deux sortes. Des petits dauphins noirs et blancs vivent en nombre autour de cette île.
Isla Pinguinas
Nous sommes le 5 décembre, il semble que nous puissions poursuivre notre route dans deux jours.
14 réflexions sur « De Mar del Plata à Puerto Deseado »
Merci à vous de partager cette belle aventure……bisous
Merci pour ce récit passionnant et fascinant. Nous vous souhaitons bon vent, un Joyeux Noel et Bonne Nouvelle année à vous deux dans l’été austral
Bonjour Thierry et Barbara !
Merci beaucoup pour le partage de votre périple !
Le récit est passionnant et très vivant ! Bravo vous êtes des aventuriers !.
Je souhaite que la météo vous soit favorable et vous envoie mes chaleureuses pensées et vœux les meilleurs !
Bien cordialement
Danielle Rosset
Bonjour Barbara et Thierry, bien content que vous ayez trouvé un abri suffisant à Puerto Deseado ! Sur vos belles photos on reconnaît les Gorfous sauteurs et le tout petit Dauphin de Commerson que l’on ne trouve qu’à la pointe sud des Amériques et aux Kerguelen ! Vous avez vu aussi je pense l’autre espèce de Manchot, plus répandu en Patagonie, celui de Magellan. Profitez bien de cet extrême sud ! Amitiés. Philippe
Magnifique récit, qui fait parfois froid dans le dos! Merci pour ces narrations qui font voyager en rêve!
Très bonne suite 🙂 Christiane
Superbe reportage, mais que d’écueils (administratifs)!
Merci de partager vos aventures, à nous autres marins d’eau douce et casaniers de la terre ferme. AMITIÉS MARYKE & ANTOINE
Merci pour ce beau récit qui fait envie! Vous resplendissez de bonheur, bravo! Bonne suite et merci pour ce rayon de soleil et ce plein de vie . Joyeuses Fêtes! Nicola
Merci de partager vos aventures en un vrai roman, presque un polar (autorités, corruption, change au noir …) heureusement sans crime mais bien fournis en rebondissements et poussées d’adrénaline.
Nous vous souhaitons de bonnes Fêtes et surtout une année 2024 pleine de rencontres, de découvertes et d’aventures (gérables !).
Bises
Saskia et Daniel
Quel périple mouvementé!
et quel courage d’affronter tout ces probĺèmes douaniers.
Vous êtes de courageux aventuriers!
Je vous souhaite de belles fêtes de fin d’année et je vous embrasse.
Marlyse
Récit magnifique par deux aventuriers passionnés!
Passez de bonnes fetes de fin d’année et bonne continuation pou 2024
Mariejeanne
Merveilleux.
Hello, les Amis,
La fin de l’année approche, mais vos récits captivants, pour notre curiosité et notre bonheur, ne tarissent pas. Un grand merci.
On vous souhaite naturellement un Joyeux Noël, à bord ou à terre ; que les flots et embruns de 2024 vous soient aussi porteurs et salutaires que ceux de l’année écoulée.
Amicalement
Michel
Dear Thierry and Barbara,
thanks to Google translation I could understand (~90%) your informative letter. I wish you Health and Strength in 2024 to continue your wonderful adventures.
Best regards from Anna and me,
Nick
Chers Barbara et Thierry,
Vous nous faites rêver de baignade d’été en hiver, de terres lointaines et d’animaux charmants. Pas encore de sapin de Noël dans la région d’Ushuaïa?
La guerre des Malvinas laisse un goût amer que vous avez bien décrit.
L’histoire sur la population indigène rappelle bien ce qui se passe à Gaza ajuourd’hui.
Merci pour votre partage et au plaisir de vous lire bientôt d’Ushuaïa
Marika