
Une galère au paradis
30 jours de mer coûtent quelques réserves physiques et nerveuses. Nous nous réjouissions du calme et de la volupté polynésienne pour nous remettre. Tout a fort bien commencé, l’accueil des bateaux amis fut chaleureux. Les nouveaux bateaux amis sympas. Une longue tournée de bières a clos la journée de notre arrivée sur la terrasse de Rikitea, une surface de ciment protégée par un toit de tôle ondulée. Un débit de bière en grands pichets dans un coin.

L’équipage de Gaia devant le terrasse et la bière promise à Rikitea

Elle fut la bienvenue
Rolf et Wolf nous ont fait les honneurs du lieu, une rue, du dépôt des poubelles à la grande église -les Gambiers furent un haut lieu de la mission- en passant par le petit magasin à peu près vide car le bateau de ravitaillement se faisait attendre, et le dispensaire. Le cargo ne vient que deux fois par mois à Rikitea et il était attendu le lundi suivant notre arrivée, le seul jour où nous pouvions espérer nous procurer du fuel. Faire le plein est une opération complexe et physique. Le diesel est vendu et déchargé du cargo en fûts de 200l, charge ensuite aux équipages de le transvaser dans des jerrycans puis de transporter les jerrycans au quai des annexes pour l’amener en dinghy au bateau et enfin remplir le réservoir. Nous avons préparé cette opération le dimanche en empruntant des jerrycans et une petite pompe. L’essentiel du lundi s’est passé à cette opération tout en observant le déchargement du cargo. De petits containers sont grutés du bateau au quai, ils sont ensuite ouverts et chacun va chercher sa commande dans un grand brassage de papiers.

En attendant que les fûts de fuel soient déchargés
Mardi, le magasin était achalandé et nous avons fait quelques courses en organisant une visite de ferme perlière pour le mercredi. Barbara et Uwe s’y sont rendus mais le temps devenant mauvais, je suis resté à bord. Il a fallu se ré-ancrer l’après-midi. Tout s’est bien passé. Mangarova , l’île principale des Gambiers, nous est apparue comme une île riche de végétation superbe et dotée d’une population accueillante, colorée et sereine.

Rikitea sur l’île de Mangarova, Gambiers
Jeudi, nous pouvions commencer de regarder devant nous, chercher des mouillages devant les cocotiers et envisager les semaines suivantes dans les îles de l’archipel. C’était le plan A dont la nature n’a pas voulu. La nuit de jeudi à vendredi, pas même une semaine après notre arrivée, mon canal urinaire s’est obstrué, plus moyen de pisser. Vendredi à la première heure, le médecin et l’infirmière du dispensaire, qui habitent le bateau voisin de Gaia, ont pu poser une sonde et résoudre l’urgence. Il fallait cependant organiser une visite chez un urologue à Papeete, 4h d’avion, deux vols par semaine. J’y étais le jeudi suivant pour apprendre qu’une intervention chirurgicale était indispensable. Barbara était restée à bord avec Uwe, lequel a développé une faiblesse et de la fièvre. Elle s’est donc retrouvée responsable de Gaia à l’ancre. Les équipages amis furent précieux en particulier pour emmener Barbara à terre et en prenant régulièrement des nouvelles.
Nous avons décidé que je serai opéré une semaine plus tard, le 7 mars, que nous ferions convoyer Gaia à Papeete et que Barbara prendrait l’avion pour Papeete le samedi 8. Une grosse somme d’organisation pour nous deux et une très lourde charge pour Barbara qui n’avait jamais demandé à être patronne sur le bateau. Malgré un état d’épuisement physique et nerveux, elle a accompli tout ce qui était nécessaire pour Uwe, le bateau et son convoyage pendant que je courrais les cabinets médicaux à Papeete, une sonde toujours entre les cuisses.
Dans cette configuration, les télécommunications revêtaient une importance particulière pour que Barbara et moi puissions échanger de manière fluide. Malheureusement elles étaient difficiles. Il y a bien un réseau mobile à Rikitea, mais il ne supporte que la 2G, donc pas de données, pas de courrier électronique, pas d’échanges whatsapp. La seule solution réside dans l’utilisation des routers starlink installés sur les bateaux suffisamment proches pour que nous captions leur signal sur Gaia. Daniela sur Yalo et Jurrian sur Songster nous ont généreusement donné leur mot de passe et gardé leur starlink ouvert pour nous. Au gré des mouvements des bateaux autour de leurs ancres, nous avions ainsi souvent la possibilité de nous entretenir mais la fragilité de cette organisation nous était un souci de plus.

Mouillage devant Rikitea
Pour trouver un équipage pour convoyer Gaia nous avons actionné tous nos contacts avec des réponses souvent intéressantes. Le propriétaire d’un autre Amel 50 a même proposé de venir de Sydney pour faire ce trajet. N’était-ce son désir d’être de retour à Sydney pour des courses de formules 1 le week-end du 15 mars, cela aurait pu fonctionner. Mais c’est Mélanie du bateau devant nous, Mélania, qui a suggéré la solution : elle ferait ce voyage avec Daniela de Yalo et sa fille Elania. Mélanie est une professionnelle de la mer, Daniela a un permis de navigation suisse, les deux ont navigué pendant des années et connaissent la région. Elles avaient l’occasion d’apprendre à connaître Gaia avec Barbra et Uwe pendant quelques jours et pourraient partir sereinement. Ce fut la solution choisie.

L’équipage qui convoiera Gaia vers Papeete, une semaine de mer. Mélanie, Daniela et Elania
En me renseignant pour trouver un taxi pour me rendre à un rendez-vous médical depuis la clinique auprès de l’accueil de la clinique, qui pétouillait quelque peu, une femme, Sabine, s’est immiscée dans la conversation disant qu’elle connaissait le médecin en question et qu’elle m’y mènerait volontiers. Nous avons fait connaissance dans sa voiture puis en déjeunant avec son mari Dominique à l’hôtel. Sabine offrait encore son aide.
J’entrai à la clinique le 7 pour être opéré le jour même. Barbara finissait de remettre Gaia à Mélanie et Daniela et se préparait à quitter le bord le 8 au matin avec Uwe. Jurriaan, le skipper de Songster, est resté à Rikitea jusqu’à ce moment pour amener Barbara et Uwe à terre avant de lever l’ancre. Rolf et Wolf sont aussi restés jusqu’à ce moment avant de partir pour les Marquises. Barbara et Uwe dans le ferry pour l’aéroport, Songster, Boaty Mcboatface et Gaia ont levé l’ancre, les deux premiers pour poursuivre leurs navigations, Gaia pour son convoyage vers Papeete. La solidarité montrée par les équipages amis à Rikitea pendant ces quelques jours d’épreuve pour Barbara fut une bouée de sauvetage. Nous leur en sommes infiniment reconnaissants.

Une partie des équipages amis de Rikitea que Barbara a invités un soir à terre.
J’ai accepté l’aide que Sabine nous proposait en lui demandant de chercher Barbara à l’aéroport et de l’amener à la clinique et à son hôtel. J’étais soulagé de ne pas savoir Barbara seule dans cette ville inconnue à la recherche d’un hôtel et de son mari sur un lit d’hôpital.
Sophie est aussi apparue le 8. Fabien, Yves et elle avaient décidé de ne pas laisser leurs parents gérer cette crise sans une présence certaine de leur part. Ils ont eu bien raison, les quelques jours de la présence de Sophie à Papeete ont considérablement aidé Barbara à reprendre pied.
L’opération fut faite comme prévu le 7. Le traitement post-opératoire dure une semaine à la clinique après quoi il ne devrait rester comme marque physique qu’une cicatrice d’une dizaine de centimètres. Ces lignes sont écrites d’un lit de la clinique Paofai à Papeete. La convalescence durera quelques temps à l’hôtel pour commencer, à bord ensuite dans la marina de Papeete. Pendant ces jours et semaines, Barbara et moi envisagerons les possibilités de navigation que nos capacités physiques et mentales nous permettront dans les semaines à venir.

Clinique de Paofai à Papeete
P.S. Au moment de mettre ce texte en ligne, Gaia est arrivé à Papeete. Merci Mélanie, Daniela et Elania.
16 réflexions sur « Une galère au paradis »
Quelle aventure . Je te souhaite une bonne convalescence et une belle récupération à Barbara, vous formez une belle équipe bien entourée 🙏
et bien, il y en a des aventures, j’admire votre flexibilité, votre adaptation et votre moral toujours au top… malgré!!!! bravo chers amis, vous êtes admirables, Thierry je te souhaite une bonne et rapide convalescence et entretemps profitez bien d’un repos dans un endroit inconnu et tout de même si accueillant!
Rude galère en effet…Heureusement que la solidarité entre équipages n’est pas un vain mot.
Bon rétablissement & bonne suite de navigation!
Rude galère en effet…Heureusement que la solidarité entre équipages n’est pas un vain mot.
Bon rétablissement & bonne suite de navigation!
Oufff!!!! Bon rétablissement à tous les deux. Merci du update
Coucou !
Magnifique la solidarité !!!
Bravooo à vous deux d ‘avoir tenu le coup ! !!
Top d ‘avoir pu être opéré ! Plus qu ‘a être prudents pour la convalescence !!!
Gros bisous !
Ps : Barbara est toute belle dans sa belle robe !
bon courage à chacun de vous! et bien des pensées de guerison et de confiance !
Quelle galère en effet ! Vous avez du passé par tous les états
La solidarité n’est pas un vain mot et vous en êtes bien un exemple.
Barbara a toujours son magnifique sourire
Bon rétablissement et bonne suite a vous à vous
Chers amis, justement je voulais vous laisser un commentaire sur votre dernier récit qui m’a beaucoup impressionné. Et voilà que je reçois ce nouveau courrier.
Votre courage m’impressionne et j’ai beaucoup de plaisir à lire vos récits.
Mais quand on a mal ou qu’on est malade, c’est dure et ça prend beaucoup d’énergie. Incroyable la solidarité entre navigateurs et autres personnes qui vous ont aidé!
Je vous envoie plein de force pour ces prochains temps, Muriel
Vous avez du courage et trouvez toujours des solutions. C’est ça l’essentiel.
Bravo
Bon rétablissement Thierry et bonne convalescence à tous les deux!
Et magnifique solidarité! Comme quoi tout n’est pas perdu!
Prenez bien soin de vous!
Amitiés et gros becs
Liliane et Matti
W les vacances!!! Quel périple !!! j’espère que le plus dur est derrière vous et que vous pourriez profiter au mieux pour la suite de votre magnifique aventure !
Big bisous
Demetria et Bernard
Quelles nouvelles de vous à mon retour hier du Népal! Heureusement, tout s’est finalement bien passé. Qui, nous veillissons et la santé est un bien précieux. Je le sais par expérience vu ma nouvelle hanche. Respect et admiration pour Barbara. Thierry, bon rétablissement et bonne continuation. Un jour, j’aimerais bien connaître ce coins du monde. J’espère qu’on se reverra en Suisse. Cordialement. Ruth et Thomas
Quelle guigne! Ces jours de douleurs et de doutes on dû être épouvantables pour tous les deux et pour Uwe.
J’avais regardé les vols pour Mangarova, mais vous êtes bien à l’autre bout du monde…
Superbe entraide entre équipages et bravo pour votre sens de la relation.
Tous nos vœux pour que tout s’améliore rapidement.
Avec toutes nos amitiés
Quelle aventure ! Une chance que ce ne soit pas arrivé en mer !
Ça a dû vous demander une sacrée énergie pour gérer tous ces événements. Bravo et courage à vous deux.
Bises
Chers Thierry et Barbara,
Voici une aventure inattendue à laquelle vous avez remarquablement fait face! Mille grâces aux équipages amis dont la présence et l’action on soutenu la courageuse Barbara!
Des bises, Christiane