Ethnobotanique de l’Atlantique Nord: Islande et îles Féroé

Ethnobotanique de l’Atlantique Nord: Islande et îles Féroé

Didier J. Roguet, ethnobotaniste, conservateur aux Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève (CJB)

L’ethnobotanique, quezaco ?

L’ethnobotanique est une science relativement nouvelle (fin du 19ème s.), comparativement aux sciences plus ancestrales que sont la physique ou la médecine par exemple.

Elle a pour ambition de décrire, pour un territoire et un cadre historique donnés, les rapports d’usages entre le monde végétal et les hommes qui y vivent.

Ces relations peuvent être liées à des domaines très divers : médecine humaine ou vétérinaire, alimentation, artisanat et techniques, mais aussi spiritualité, symbolisme, traditions orales ou écrites.

Elle est transdisciplinaire par essence.

Et dans les îles de l’Atlantique Nord ?

Le recours à la flore a toujours été secondaire dans ces îles de l’Atlantique Nord que sont l’Islande et les Féroés.

Les régimes alimentaires de ces contrées à la diversité végétale restreinte, font en effet la part belle aux ressources comestibles animales, en grande partie marines : poissons, mammifères marins, oiseaux de mer et leurs œufs, mollusques et coquillages.

Si l’ethnobotanique de ces îles est quantitativement peu importante, elle se révèle par contre très intéressante quand on observe la qualité des usages alimentaires, médicinaux et artisanaux mis en œuvre grâce à un cortège floristique à la diversité toute relative.

Histoire de la diversité floristique, naturelle ou culturelle ?

L’histoire de la colonisation végétale en Islande est relativement courte. Elle remonte au dernier retrait glaciaire d’il y a environ 10’000 ans. Le peuplement végétal est ensuite lié à l’isolement septentrional de ces îles, qui les rend difficilement accessibles et éligibles pour de nombreuses espèces végétales terrestres.

Cette flore abrite néanmoins actuellement quelques 450 espèces de plantes à fleur dont une centaine sont (ou ont été) utilisées par l’homme.

Les plantes utilitaires islandaises et/ou féringiennes sont principalement alimentaires (cueillettes), mais aussi médicinales, tinctoriales ou artisanales. Certaines ont par exemple servi historiquement de mèches pour les lampes à huile, qui était extraite de poissons et de cétacés.

On estime par ailleurs que 20% des espèces végétales, considérées comme natives (autochtones), sont maintenant menacées. Elles le sont souvent par des plantes trop concurrentielles, introduites par l’homme au XXème s.

Beaucoup d’espèces domestiquées ont en effet été importées, que ce soit pour l’alimentation (seigle, pomme-de-terre, choux, navet) ou plus tard, au début du XXème s., pour l’horticulture et la reforestation.

Une ethnobotanique commune de l’Atlantique Nord ?

L’Islande et les îles Féroé partagent une histoire ethnobotanique commune depuis la colonisation vikings, il y plus de 1000 ans (1, 2).

Les cultures de céréales domestiquées, considérées comme peu exigeantes (seigle, épeautre, ont néanmoins toujours joué un rôle mineur dans l’alimentation de ces populations, à cause des conditions climatiques difficiles ne favorisant pas leur mise en culture. Elles ont été abandonnées très tôt (fin du Moyen-Âge) en Islande et au début du XXème s. aux Îles Féroé. Les plantes à racines (pomme-de-terre, carotte, navet, panais) ont toujours été cultivées dans de petits potagers vivriers, sur les maigres zones cultivables.

Les plantes sauvages alimentaires de cueillette ont joué un rôle important en périodes de disettes climatiques ou économiques.

Deux taxons sauvages ont été exploités régulièrement comme plantes alimentaires de cueillette en Islande : Cetraria islandica (encore exploitée de nos jours) et Leymus arenarius (une céréale autochtone sauvage des plages), abandonnée il y a un siècle à cause d’un rendement trop modeste.

Les périodes de végétation très courtes dans ces îles de l’Atlantique Nord rend la mise en culture potagère et vivrière difficile. Ce n’est qu’avec des variétés à cycle court et depuis la culture sous serres, chauffées grâce à la géothermie en Islande, que tout peut pousser sur cette île, … même des bananiers.

L’ethnobotanique s’intéresse, souvent et dans un premier temps, au domaine phytosanitaire des plantes médicinales. C’est le cas dans les zones tempérées, comme chez nous en Suisse, et surtout sous les climats tropicaux. Les conditions favorables d’humidité et de chaleur pour les vecteurs de maladies rendent cette préoccupation prioritaire dans les régions chaudes du globe. C’est moins le cas dans les contrées septentrionales qui nous occupent.

Les conditions climatiques difficiles pour le monde végétal et la biodiversité réduite en plantes sauvages médicinales et alimentaires, projettent rapidement ces dernières sur le devant de la scène.

Il est à relever que le bois de flottage, amené sur les plages de ces îles par les courants marins venant du Nord de l’Europe et de l’Amérique, a joué par le passé un rôle important pour la construction et le chauffage.

Reforestation ?

Si nous revenons à la période de la colonisation viking, il y a environs 1000 ans, l’Islande était recouverte de forêts de bouleaux (Betula pubescens) dans sa partie libre de glace, en particulier côtière (30% de son territoire) (3). Le bois de ces forêts a été utilisé comme bois de construction (bateaux et habitats) et de chauffe.

L’Islande a perdu ainsi plus de 97% de ses forêts depuis la colonisation viking vers la fin du IXème s.

Les régénérations (germinations ou rejets de souches) de ces arbres (bouleaux), ont été broutées par les herbivores amenés sur l’île (4) par les colons. L’érosion (vent, eau), les conditions climatiques et vulcanologiques ont fait le reste. L’Islande déboisée s’est transformée en pâturages ou en zones semi-désertiques minérales, entraînant une diminution drastique de sa diversité végétale. On estime ainsi la perte des sols fertiles à plus de 40% depuis sa colonisation (4).

Une vaste campagne de reforestation est en cours depuis la fin du XXème s. pour reconstituer certaines forêts, en particulier avec des espèces néophytes «introduites». L’Islande reste néanmoins le pays le moins boisé d’Europe, avec 0,5% seulement de son territoire planté de forêts (1). L’Islande ambitionne de recréer 5% de sa surface forestière en 50 ans (source gouvernementale 2010). Les espèces qui composent ce programme sont des espèces nordiques à croissance lente comme : l’épicéa de Sitka (Picea sitchensis), le pin tordu (Pinus contorta), le mélèze de Sibérie (Larix sibirica), le peuplier de l’Ouest (Populus trichocarpa) (6).

Forêt d’Hallormstadur

Flore utile d’Islande et des Féroés ? 

C’est donc sur le maigre capital de 450 espèces végétales (plantes à fleurs + quelques cryptogames) que s’est bâti le rapport ethnobotanique « homme-plante » qui nous occupe dans cette contribution.

Les plantes à fleur (phanérogames) représentent le 90% des interactions végétales utilitaires sur notre planète, les 10 % restant appartiennent au monde des cryptogames.

Ces derniers sont 10 fois plus représentés dans la flore islandaise que les plantes à fleurs (voir tableau annexé). Leur mode de reproduction leur a permis de s’adapter au cours de l’évolution au stress climatique et géologique sévère de ces régions.

La proportion de cryptogames utilitaires augmente ainsi un peu en Islande au vu de la prédominance de cette classe végétale dans la flore de ces îles. Divers mousses et lichens apparaissent ainsi dans la liste des plantes utiles, comme certaines algues comestibles d’ailleurs.

Les plus connus sont le lichen d’Islande (Cetraria islandica) (1), utilisé largement pour ses propriétés phyto-thérapeutiques, mais aussi comme ingrédient alimentaire, et la sphaigne (Sphagnum sp.), une mousse qui a joué un rôle fondamental par le passé pour le chauffage des habitations (tourbe) dans un pays où le bois est rare.

On compte environ 400 espèces de végétaux à fleurs sur les Îles Féroé, dont bon nombre d’essences introduites et de néophytes plus ou moins envahissantes. La déforestation et l’élevage extensif ont fait les mêmes ravages sur la flore autochtones qu’en Islande.

La flore utilitaire des îles Féroé est sensiblement la-même qu’en Islande.

Les forêts natives sont absentes des Féroés. Des plants de Nothofagus (6000) ont été importés de la Terre de Feu en 1979. D’autres espèces arborées océaniques ont aussi été introduites sur ces îles, comme en Islande.

Et les algues ?

On a récolté et consommé diverses espèces d’algues des mers du Nord sur nos îles jusqu’en 1950:

  • aux îles Féroé : Alaria esculenta, Chondrus crispus, Laminaria diditata, Pamaria palmata, Saccharina latissima, Ulva lactuca ;
  • en Islande : Alaria esculenta, Chondrus crispus, Pamaria palmata et en période de famine : Laminaria diditata, Mastocarpus stellatus. (1)

Pamaria palmata (« dulse »), très abondante le long des côtes de ces îles, a probablement été la plus récoltée, en période de famine, mais aussi et encore actuellement par certains amateurs et chefs de cuisine nordiques.

Cette algue (« dulse ») est cuisinée avec des poissons séchés, cuits au beurre (1).

Elle accompagnait parfois des ragoûts, du porridge ou du boudin, avec des navets et des pommes-de-terre (1).

De nos jours on constate un regain d’intérêt pour les algues, en particulier au sein d’une cuisine saine et végane. En Islande, elles sont mastiquées sèches ou mélangées à des soupes, des pains, des pâtes, des ragoûts de poissons ou de viande (1).

Chondrus crispus était utilisée essentiellement pour des sortes de porridge et comme adjuvant ajouté au lait acide. Aujourd’hui, en Islande, cette algue sert à garnir les sashimis et les salades, on en prépare des soupes (1).

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Alaria esculenta Dulse (Pamaria palmata) Chondrus crispus (mousse d’Irlande)

Famines et disettes ?

Les conditions climatiques difficiles qui règnent sur ces îles et la saison de végétation très courte ont souvent été la cause de pénuries et de famines. Ces dernières favorisent le recours aux espèces sauvages, dites « de disette » ou de substitution. Elles ne sont récoltées que lors de temps difficiles.

C’est le cas par exemple pour un lichen, Umbillicaria cylindrica, qu’on a consommé en Islande en temps de famine au 18ème s.

Les disettes favorisent aussi l’utilisation de succédanés aux produits d’importation comme le thé, le café, le tabac ou les aromates. On fait ainsi un succédané de thé, une tisane, avec la dryade à huit pétales (Dryas octopetala, Rosacée) en Islande et avec le thym rampant (Thymus praecox) aux Féroé (1).

Pinguicula vulgaris, la grassette, cette plante carnivore aux feuilles collantes, a été par exemple utilisée comme substitut d’ail en Islande (1).

En ce qui concerne les herbes aromatiques, Ligusticum scotium, la livèche d’Ecosse, une cousine de notre « herbe à Maggi » (Levisticum officinale) porte aussi le nom de « persil de mer ». Thymus praecox et Carum carvi ont été utilisés comme épices par le passé et reviennent à la mode dans la nouvelle cuisine de ces îles du Nord. C’est aussi le cas pour Oxyria digyna, une petit « oseille », dont l’acidité est recherchée en cuisine.

Diverses herbes à cuire ont été bouillies ou ajoutées aux soupes en période de vaches maigres, comme : Chamerion latifolium, l’épilobe à feuille large ; Epilobium angustifolium, une autre épilobe appelée « asperge des Osages »; Rumex longifolius, une rhubarbe sauvage ; Stellaria media, un des mourons des oiseaux ; ou encore même Silene acaulis, notre silène en coussinet à fleurs roses de l’étage alpin (1).

Les baies sont rares dans les landes pâturées de nos îles car elles sont consommées par la faune sauvage et domestique. Les myrtilles, airelles et autres Ericacées comestibles sont souvent récoltées sur site par l’homme. C’est aussi le cas du cornouiller de Suède (Cornus suecia) dont la cornouille, au même titre que la fraise des bois (Fragaria vesca), est une plante typique de l’école buissonnière (1) et donc cueillies par les enfants.

On fait même du vin de camérine (Empetrum nigrum, « crowberry wine ») en Islande. On mélange toujours cette baie, très populaire en Islande, à des yoghourts, des porridges et des sauces (1).

Certaines racines ont aussi été consommées, en particulier au 18ème et 19ème s, comme celles des angéliques (A. archangelica ou A. sylvestris) ou de l’ansérine (Potentilla anserina), bouillies ou rôties. Les nodules racinaires, riches en amidon de la prêle des prés (Equisetum arvense), ont aussi été récoltés et mangés (1).

ANNEXE 1 (encadré)

Flore islandaise :

  • 440 plantes à fleurs
  • 4940 cryptogames dont :
    • 40 espèces de fougères
    • 605 espèces de mousses (bryophytes)
    • 735 espèces de lichens
    • 2100 espèces de champignons
    • 1460 espèces d’algues

Flore islandaise utilitaire : (2)

  • 110 espèces de plantes terrestres
  • 10 espèces de champignon
  • 7 espèces d’algues
  • 1 espèce de lichen

dont 30 espèces alimentaires

Flore des îles Féroé

  • 400 espèces de plantes à fleurs
  • 350 espèces de bryophytes
  • 470 espèces de lichens
  • 600 espèces de champignons

dont 20 espèces alimentaires (2)

ANNEXE 2 (encadré + fiches spécifiques)

Choix de plantes utilitaires importantes (islandaises et féringiennes)

  1. Angelica archangelica (angélique, angelica des anglais)
  2. Papaver radicatum (pavot arctique, arctic poppy)
  3. Leymus arenarius (blé des sables, lime grass des anglophones)
  4. Betula pubescens (bouleau pubescent)
  5. Empetrum nigrum (camérine)
  6. Cetraria islandica (mousse d’Islande)
  7. Thymus praecox (thym rampant)
  8. Vaccinium uliginosum (myrtille des marais)
  9. Rumex acetosa (oseille commune)
  10. Taraxacum officinale (pissenlit)
  11. Filipendula ulmaria (reine des prés)
  12. Achillea millefolium (achillée millefeuille)
  13. Dryas octopetala (dryade à huit pétales)

Selon le principe biogéographique de correspondances « altitude/latitude » (1000 mètres en altitude correspondent approximativement à 1000 kms en latitude), vous remarquerez que beaucoup de ces espèces du Nord nous sont familières car elles poussent aux étages montagnard et subalpin (600 à 2200 mètres) de nos Alpes.

  1. Angélique (Angelica archangelica L. , esp. ethnobotanique affine: A. sylvestris L.)

Cette espèce scandinave est utilisée par toutes ses parties en Islande et aux îles Féroé (3).

Elle est à la base des « jardins d’angéliques » traditionnels en Islande depuis la période viking (1).

Alimentaires et médicinales, on trouve encore ces « jardins d’angéliques » proches des anciennes demeures, reliques d’un rapport ancestral très fort entre cette espèce utilitaire magique et les hommes qui l’avaient domestiquée.

Toutes les parties de la plante (graines, feuilles, tiges ou racines,) sont consommées fraîches, bouillies ou frites. Elle parfume différents distillats locaux (eaux-de vie) (3).

En phytothérapie traditionnelle, la racine d’angélique est digestive et tonique. L’extrait de cette plante a une action sédative (trouble du sommeil) et anxiolytique.

Appelée « Herbe des anges », elle appartenait au cercle de la magie blanche. Un bout de racine, en pendentif autour du cou, était censé protéger les enfants des maléfices de toute sorte et du diable en particulier.

Elle est commercialisée de nos jours comme le « ginseng du Nord », souvent sous forme de distillat de racines (wiki-science).

En Islande, c’est la plante qui a le plus d’utilisations différentes (2). Les graines des deux espèces d’angélique (A. archangelica et A. sylvestris) servent à faire un thé. On les utilise aussi comme épice, avec des propriétés diurétiques. Les jeunes feuilles sont consommées en soupe et en salade. On la mange crue, mais aussi frite ou souvent bouillie dans du lait (1).

La cuisine nordique moderne fait souvent appel à cette espèce comme herbe fraîche sur des viandes et des poissons. Une viande d’agneau «aromatisée» est spécifiquement affourragée en Islande avec de l’angélique.

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Angelica archangelica Angelica archangelica Angelica sylvestris

  1. Pavot arctique (Papaver radicatum Rottb.)

Le cousin arctique de notre coquelicot pousse aussi dans nos Alpes. Cette Papaveracée aux pétales jaune clair est circumpolaire (Europe, Asie, Amérique du Nord) dans l’hémisphère Nord, mais pousse aussi à l’étage alpin de nos montagnes.

Il est utilisé en Islande pour des propriétés voisines de beaucoup d’autres espèces de cette famille, à savoir l’action sédative de ces graines.

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  1. Elyme des sables, seigle des mers, blé d’azur (Leymus arenarius (L.) Hochst., syn. : Elymus arenarius L.)

Cette espèce des sables nordiques (climat boréal) fait partie du pool génétique du blé domestiqué.

Cette Poacée fixe et restaure les dunes de sables volcaniques en Islande.

Elle a servi de céréale sauvage aux premiers habitants vikings de l’île (6) et était récoltée sur les côtes du Sud de l’Islande jusqu’au début du XXème s.

Elle était alors souvent ajoutée à la farine comme additif pour le pain (1).

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  1. Bouleau pubescent, bouleau des marais (Betula pubescens Ehrh.)

Ce bouleau très répandu en Europe et en Asie, est l’espèce forestière qui peuplait l’Islande (30% du territoire) à l’arrivée des Vikings, il y a environ 1000 ans. Cet arbre (10-15 m de haut max.) apprécie l’humidité des forêts inondées et des tourbières.

Première essence du calendrier celtique des arbres, il représente la sagesse. Sa sève, ses feuilles et son écorce ont des propriétés thérapeutiques diurétiques, antiseptiques et cicatrisantes.

Ses bourgeons sont utilisés pour leurs qualités anti-inflammatoires.

Sa sève (« eau de bouleau ») est sucrée, elle est toujours largement consommée dans les pays nordiques. C’est un détoxifiant reconnu par la nutrition moderne. (wiki-science)

En Islande, les jeunes feuilles sont récoltées au printemps pour faire un thé dépuratif. Il est utilisé aussi pour faire des haies coupe-vent et pour séparer les propriétés (1).

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  1. Camarine noire (Empetrum nigrum L.)

Cette espèce est un sous-arbrisseau boréal de la famille des Ericacées. Elle pousse sur des sols acides comme ses cousins, les rhododendrons et les myrtilliers. Ses baies noires sont comestibles et très goûteuses.

La camérine noire est peu cueillie dans nos régions, on en fait par contre des tartes et des confitures en Islande, où elle est très fréquente.

C’est l’espèce de cueillette, toute catégories confondues, qui est la plus citée dans les enquêtes ethnobotaniques menées en Islande. On mélange cette baie populaire à des yoghourts, des porridges et des sauces. On a même fait un vin de camérine (« crowberry wine») en Islande (1).

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  1. Mousse d’Islande (Cetraria islandica L. Ach.)

La mousse d’Islande est un lichen terricole de la famille des Parmeliacées, qui pousse sur les landes à bruyères au sol acide.

Réhydraté et bouilli, ce lichen prend la consistance d’une gelée et sert de base à des soupes et des daubes, en Islande et dans les pays nordiques (1). On en fait également du pain, associé à des farines, dans les régions qui nous intéressent.

En phytothérapie, il est anti-inflammatoire, stomachique et antibactérien. Il est utilisé dans le traitement des affections des voies respiratoires (bronchite, laryngite, etc.).

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  1. Thym rampant (Thymus praecox Opiz)

Cette Lamiacée (famille de la sauge et du romarin), proche cousine de notre thym vulgaire (Thymus vulgaris), est une plante tapissante aromatique de rocailles. Elle pousse également dans nos montagnes suisses.

Aromatique et parfumée, ce thym sert d’épice pour les viandes et d’autres plats typiques islandais. Notre épice locale y remplace le thym méditerranéen (1).

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  1. Myrtille des marais (Vaccinium uliginosum L.)

La myrtille des marais (ou airelle des marais) appartient comme la camérine à la famille des Ericacées.

C’est un petit sous-arbrisseau de landes et de tourbières. Ses baies sont comestibles.

Des extraits de notre espèce entrent dans la composition de crèmes antivieillissement afin de lutter contre les effets des rayons ultraviolets sur la peau.

Elle est consommée dans toutes les îles de l’Atlantique-Nord (1).

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  1. Oseille commune (Rumex acetosa L.)

Cette Polygonacée (famille de la rhubarbe) est une plante commune dans toute l’Europe. Elle a été domestiquée (« oseille des jardins ») dans nos potagers, mais est retournée en grande partie dans le domaine du sauvage au XXème s.

Les feuilles sont comestibles, crues ou cuites, avec un goût acide dû à l’acide ascorbique. Elles ont des propriétés médicinales : digestives et diurétiques. Cuites, elles sont adoucissantes et laxatives.

En cuisine, et l’Islande ne fait pas exception à la règle, l’oseille et son acidité naturelle relève le goût des poissons et ramollit leurs arêtes.

Crue, l’oseille reste néanmoins toxique à haute dose, à cause de sa teneur en acide oxalique, principale cause entre autres, des calculs rénaux (wiki-science).

Les feuilles (pour une couleur jaune) et les racines (pour une couleur noire) de l’oseille sont des teintures classiques pour la laine des moutons de ces îles de l’Atlantique Nord (1).

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  1. Pissenlit (Taraxacum officinale aggr.)

Les pissenlits, comme leur nom le proclame, possèdent des valeurs diurétiques ancestrales.

Ils sont aussi censés soigner les maladies hépatiques, ainsi que certaines dermatoses et agissent contre l’obésité. Ce sont des toniques, des dépuratifs (éliminent les toxines) et des stomachiques.

Leur latex, toxique, est corrosif (anti-verrue).

C’est un genre ubiquiste qui a été cultivé jusqu’au milieu du XXème s. (wiki-science).

Comme l’oseille, le pissenlit est une plante potagère de niche, mais la cueillette de ces deux espèces sauvages reste la source principale de leur consommation.

Leurs feuilles crues (avant floraison) font partie des salades de printemps partout en Europe. Elles peuvent aussi être cuites, en légumes ou en soupes.

Elles sont riches en vitamine C et A. Leurs boutons floraux au vinaigre servent de faux « câpres ». On peut faire des sirops et des gelées avec leurs capitules floraux (« miel de pissenlits »).

Un « dandelion vine » (vin de pissenlit) est produit en Grande Bretagne, ainsi qu’un thé aux pissenlits.

En temps de pénurie, la racine des pissenlits torréfiée, comme celle de leur cousine la chicorée (Cichorium intybus), a servi de succédané de café.

Ce sont en outre des espèces mellifères de premier ordre, en particulier de par leur floraison prolongée (du printemps jusqu’à l’automne) (wiki-science).

  1. Reine des prés, ulmaire, fausse spirée (Filipendula ulmaria (L.) Maxim.)

Notre « souveraine » est une Rosacée européenne mellifère. Fébrifuge, elle est riche en acide salicylique, comme les écorces de saule. C’est une des « aspirines sauvages » de notre flore, dans laquelle elle domine souvent les prairies humides. Elle y est sans concurrence grâce à ses toxines végétales racinaires.

Outres ses propriétés antipyrétiques (anti-fièvres), ses inflorescences sont aussi anti-inflammatoires, diurétiques, stomachiques, toniques et cicatrisantes (vulnéraires), comme ses feuilles.

Aromatique, elle parfume desserts et boissons (vins et bières), comme en Islande, mais aussi des cosmétiques comme les dentifrices. On peut aussi faire une infusion aromatique intéressante avec ses inflorescences bien sèches (1).

Ses racines à saponines ont un pouvoir nettoyant intéressant (wiki-science).

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  1. Achillée millefeuille (Achillea millefolium L.)

L’achillée à millefeuille porte bien son nom. Répandue dans tout l’hémisphère Nord, c’est une plante médicinale spasmolytique très populaire, qui agit contre les maux d’estomac et les douleurs menstruelles. Appelée aussi « herbe des charpentiers », elle traite les petites plaies comme cicatrisante et antiseptique.

Cette plante possèderait aussi un effet antiparasitaire (wiki-science).

Astéracée aromatique à l’odeur camphrée, elle est utilisée comme une « fine herbe » dans l’assaisonnement des préparations à base d’œufs (omelette) ou les salades. Elle a joué le rôle du houblon pour parfumer les bières (wiki-science).

C’est aussi un colorant naturel orange pour la laine, si importante dans l’économie locale, en particulier aux îles Féroé. (1)

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  1. Thé des Alpes (Dryas octopetala L.)

La dryade à huit pétales est une plante de la famille des Rosacées, qui porte aussi le nom de « thé des Suisses » ou « thé des Alpes », car elle se buvait en infusion dans nos contrées. Elle pousse aussi en Islande, en plein soleil sur des sols rocailleux et calcaires.

La fleur de la dryade, très reconnaissable, est le symbole floral de l’Islande (wiki-science).

Riche en tannins, elle possède des propriétés stomachiques et sert de « remontant ».

Sa tisane est considérée comme apéritive (2).

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  1. Potentielle ansérine (Potentilla anserina L.)

Cette autre Rosacée, parfois appelée « argentine » ou « herbe aux oies », est une plante astringente européenne très utilisée en médecine populaire. Elle agit contre les diarrhées, ainsi que contre les douleurs menstruelles et les crampes d’estomac. En usage externe, elle soulage certaines affections de la peau et les contusions (wiki-science).

La plante était, comme la pomme-de-terre, une plante alimentaire de base pour les Amérindiens (parties aériennes et racines). Elle a été consommée lors des disettes en Islande (1). Sa racine, au goût de panais, a été consommée grillée dans les Hébrides écossaises.

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Conclusion

La colonisation tardive de l’Islande et des Féroés, ainsi que les conditions climatiques difficiles qui règnent sur ces îles, ont souvent rendu les rapports homme-plante, essentiels à la survie des premiers, mais aussi parfois conflictuels. La destruction quasi totale des forêts de bouleaux par le peuplement viking au Moyen Âge en est le meilleur exemple.

Les famines et disettes successives ont façonné le recours obligatoire et probablement permanent des islandais et féringiens à la flore et à la faune sauvages, terrestres ou marines.

La faible biodiversité terrestre a polarisé cette recherche de ressources sauvages, comestibles et sanitaires vers la mer, mais aussi vers les seuls végétaux présents, phanérogames et surtout cryptogames.

Cet intérêt pour les plantes sauvages utilitaires s’est un peu tari dans la deuxième moitié du XXème s. avec l’arrivée de la géothermie appliquée à la culture sous serres qui a définitivement fait oublier les disettes.

Un nouvel intérêt a surgi en ce début de 21ème s. pour les goûts et saveurs de la flore sauvages et des anciennes variétés. L’émergence d’une cuisine nordique, qui fait appel aux produits de la nature, permet de nos jours de retrouver diverses espèces aromatiques locales un peu oubliées sur les cartes de chefs islandais ou féringiens.

Références bibliographiques citées

  1. Svanberg, I. & S.Aegisson (2012). Edible wild plants use in the Faroe and Iceland. In: Acta Societatis Botanicorum Poloniae, Polish Botanical Society.
  2. Whitney, C.W., Gebauer, J. & Andersonn M. A (2012). Survey of wild collection and cultivation of indigenous species in Iceland. In: Hum Ecol 40, 781–787.
  3. Teixidor-Toneu, I., Kjesrud, K., Kool, A. (2020). Sweetness Beyond Desserts: The cultural, symbolic, and botanical history of Angelica (Angelica archangelica) in the nordic region. In: Journal of Ethnobiology 40.3 (2020): 289-304.
  4. Arnalds, O. & B. H. Barkarson (2003). Soil Erosion and Land Use Policy in Iceland in Relation to Sheep Grazing and Government Subsidies. In: Environmental Science and Policy 6(1): 105–113.
  5. Gudmundsson, G. (1996). Gathering and Processing of Lyme-Grass (Elymus arenarius L.). In: Iceland, an ethnohistorical account. Vegetation history and archaeobotany 5 (1–2): 13–23.
  6. Fountain, H. (2017). Vikings razed the forest. Can Iceland regrow them?. In: New York Times (20 oct.2017).

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Angelica archangelica (Islande, Wikicommons)

(dr/CJB/ février 2021)

3 réflexions sur « Ethnobotanique de l’Atlantique Nord: Islande et îles Féroé »

  1. Merci pour cet article. Le sujet est intéressant et vraiment rarement abordé! Plein de trouvailles et d’informations petinentes! Bravo!

  2. Quel leçon botanique! Merci beaucoup!
    Cette région si « pauvre et aride » s’est transformé on splendide pays de cocagne.

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